samedi 3 mai 2008

Le fou d'Edenberg

Je viens de lire un pavé. Que dis-je, un monument, car un pavé peut être facilement un amoncellement de pages sans intérêt.
Le "Fou d'Edenberg" est un roman qui frise les 500 pages. L'auteur s'est posé confortablement, il a couché ses phrases et ses chapitres sans réflechir à un quelconque public, à une quelconque "part de marché", et c'est une formidable réussite. Il a pris la place et le temps d'exprimer ce choc des civilisations ; d'un côté, des hommes et des femmes qui vivent plus ou moins de la même manière depuis plus de deux mille ans dans cette vallée sauvage des Alpes. D'un autre, la civilisation dites du "progrès" qui vient traîner ses guêtres là où elle sent qu'elle peut faire du fric.
Voilà une petite vallée qui ressemble bien à la vallée d'Aspe ; un jour elle reçoit la visite d'un envoyé spécial du CIE (Consortium International d'exploitation) qui souhaite ouvrir ici, rien moins que "la 1er station de ski européenne ", "une station de classe internationale" ... "les habitants de St Beat pouvaient-ils refuser le fabuleux cadeau qu'on leur offrait sur un plat d'argent ?".
Mais voilà les habitants de cette petite vallée rebaptisé Edenberg résistent. Ce n'est pas une résistance politique mais intinctive. Il n'y a qu'à voir la Sophie, née Lavanche : "Trop près de la terre, trop instinctive, avec par derrière au moins soixante générations de montagnardes aux yeux desquelles l'herbe qui engraisse le bétail, donne le lait, la laine, qui nourrit le veau, l'agneau, l'enfant, l'homme restait quelque chose de sacré".
La première idée des responsables du CIE pour faire plier les béatins est de leur créer des besoins "il faut leur fiche un bon complexe d'inferiorité", et qu'ils cédent du terrain devant le consortium qui paye grassement et fait miroiter les "merveilles" du monde "moderne".
Et puis enfin, il y a Simeon, le "fou d'Edenberg" : "un morceau de montagne, puissante, pacifique, souveraine". Le consortium doit implanter un grand pylône au lieu dit "Le plan", c'est-à-dire sur la maison des ancêtres de Simeon.
Mais je vous laisse découvrir la suite. Un monument !

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Tu vois, j't'avais dit!
Je vais transférer le lien de cet article à Roland de Miller (La bibliothèque de l'écologie) qui, en 1969 m'avait dit qu'il était urgent et vital que je lise ce livre. D'après lui, chaque seconde qui passait sans cette lecture était une minute de perdue. Pourtant, il m'avait bien précisé que lui ne l'avait pas encore lu---- Et tu sais quoi? Je lui ai posé la question il y a quelques mois et ---il ne l'a toujours pas lu.
Mais bon, grâce à lui, nous, nous sommes régalés et surtout enrichis de ce livre que j'ai toujours dans un petit coin de ma tête.
Il faudrait que tu lise "L'amateur d'abîmes", aussi. De Samivel également. Je suis certaine que tu aimerais.

Lurbeltz a dit…

Tu parlais de "jubilation" dans ta postface pour qualifier mes écrits. Voilà ce qu'on aime en fait dans l'écriture. La joie, la jubilation d'utiliser les mots comme des choses de la vie et pour infiltrer cette triste réalité qui détruit plus souvent qu'à son tour. Qui détruit la magie de la vie, la jouissance, la mobilité que l'on confond avec le déplacement, l'amour de la vie et de la liberté que l'on confond avec l'envie d'accumuler des choses et le désir d'efficience.