mardi 10 juillet 2007

Franchement, lire ce livre, c'est pas pour le plaisir. C'est même du masochisme. Comme si je n'avais pas suffisamment mal comme ça, pour tous les désastres présents, sans aller chercher d'autres méfaits anti-nature dans la préhistoire.

Franchement, comme si j'avais besoin de rajouter moult chiffres, moult précisions à cette intuition consubtancielle à ma personne, cette conviction toute nue, toute simple, évidente, que l'on est en train de scier la branche sur laquelle on est assis, cette certitude que l'on est en train de "manger notre avenir" (selon le terme proposé par Tim Flannery qui démontre comment les humains "mordent dans le capital de ressources de base").

Il faut vraiment que j'ai le sens du devoir et de la responsabilité avisée jusqu'au plus haut point, pour me farcir ce bouquin indigeste, cet essai dont le titre raisonne comme un glas : Ecocide : de Franz J. Broswimmer ; une brève histoire de l'extinction en masse des espèces.

Mais pourquoi j'ai lu ce livre ?

J'ai déjà la rage contre l'espèce de super prédateur dont je fais partie. Ceux qui devraient lire ce livre, ce sont les grincheux qui rouspètent contre l'ours des pyrénées, par exemple, ceux qui trouvent qui faudrait d'abord s'occuper-des-zenfants-qui-meurent-de-faim-en-Afrique, des-ouvriers-qui travaillent-chez-peugeot-et-qui-se-suicident.

J'ai déjà la râge contre ceux qui discutent et font circuler des pétitions pour demander le déclassement des vautours fauves de la liste des espèces protégées.

J'ai déjà la rage contre ceux qui discutent et font circuler des pétitions pour demander la capture de l'ourse Franka.

J'ai déjà la râge contre tous ceux qui discutent encore de la place de l'ours, du loup ou du lynx dans le paysage. Comme si l'existence de l'ours, du loup ou du lynx était négociable. C'est eux qui devraient lire ce livre, ceux qui veulent encore débattre comme un Napoléon le Petit débattit pour dire que l'esclavage, "c'était pas si mal en fait". C'est eux, pas moi.

Attention mes frères humains... On arrivera au point limite où débattre de cette manière, de ces sujets, reviendra à pratiquer une forme de négationnisme.

Attention comment on cause aujourd'hui, comment on écrit sur ces papiers qui resteront dans les archives et qui garderont la trace et les noms de ceux qui auront résisté et de ceux auront contribué à la catastrophe. Chacun consultera sa conscience sous les neons de l'avenir, sous les regards des hommes et des femmes de demain. Si "homme et femme", il y a... Si "demain", il y a.

Le jour où on aura tout détruit, les zenfants-qui-meurent-de-faim, seront morts de faim ou d'autres choses et les ouvriers-qui travaillent-chez-peugeot pourront faire grêve, il ne restera que le mot crève pour finir leurs soirées d'hiver.

Comment vous dire, que demain, la lutte sera multidimensionnelle et qu'il faudra réunir nos forces pour lutter à la fois pour s'occuper-des-zenfants-qui-meurent-de-faim, pour les hommes et les femmes qui triment pour un salaire de misère et pour lutter contre ceux qui "mangent notre avenir" en réduisant la nature jusqu'à en faire une vieille glèbe stérile et vide.

Que chacun regarde sa conscience et se demande si elle est suffisamment large pour voir la nature qui crève, et que chacun lise se livre à l'aune de cela.

Que chacun regarde où en est sa pitié face aux abbatoirs, aux derniers individus de certaines espèces d' insectes, aux plantes qui disparaissent définitivement avec leur charge de vie et de mystères, aux poulailler industriels, aux forêts primaires et que chacun lise ce livre à l'aune de cela.

Que chacun regarde dans sa vie et en vertue de cela, que chacun lise ce livre. Quant à moi, j'ai déjà trop mal à la jambe (1). Quand à moi, je suis déjà engagé volontaire, écologiste.

Je m'en vais à la lutte sans discrémination pour les hommes, pour les femmes pour les-zenfants-qui-meurent-de-faim-en-Afrique, pour la nature, pour les chiens, pour les homos, pour les insectes, pour les ouvriers-qui travaillent-chez-peugeot-et-qui-se-suicident, pour les petits paysans qui se suicident, pour les petits libraires, pour les petits artisans d'art, pour les taureaux victimes de la corrida.

La vie est insécable et ce n'est que le jour où l'on aura compris cela que l'on cessera de "manger notre avenir."

(1) Leo Ferre disait : "quand on coupe un arbre, j'ai mal à la jambe".

4 commentaires:

Nicolas Loustalot a dit…

Grève de la fin,
Faim du Monde,
Planète-Taire...
apétits inconscients...

Je pense aux paysans sans Terre : cette expression qui déjà aurait du nous donner la puce à la sourde oreille...

Paysans sans Terre, paysans s'enterrent, et tout ce qu'on enterre en les enterrant (le goût, la biodiversité, ...)

Petites librairies en lutte... et tous les livres et maisons d'éditions qui disparaîtraient avec elles, toute cette diversité de l'esprit, des cultures.... qui tomberaient sous le joug des critères de rentabilité des supermarchés culturels...

Je pense aussi aux intermittents...

Pour les artisans d'art, les savoir faire dans la balance de l'oubli...

Je pense aussi aux amis zapatistes qui dès ce mois de juillet (à partir du 20) nous invitent au Chiapas pour la 2ème Rencontre Intergalactique afin de faire le point et de mettre les points sur les i de l'inconscience...

Heureusement pour soulager nos inconsciences, il existe d'autres mondes, un monde qui contient tous les mondes et que nous sommes encore capable d'imaginer... peut être est ce là le moteur de la lutte et de la résistance aux dicktat du réel et du réalisme : l'imagination et ce qui la nourrit, l'imagination et ce qu'elle nous ouvre comme portes sur le réel, sur l'envie de faire et de construire autre chose...

Lurbeltz a dit…

La lutte zapatiste m'a beaucoup inspiré. Et notamment les communiqués du "sub". Je pense que tu as peut-être lu les 2 volumes de "Ya Basta", aux éditions Dagorno. C'est une bible pour moi, en matière d'imagination, de lutte.
Et puis ce mix entre marxisme, traditions mayas, poésie, philosophie, littérature, politique... C'est extra ! Comme dirait Leo.

Etienne H. BOYER a dit…

Va falloir que tu me prêtes ce livre pour les vacances, que j'oublie pas tout ça quand je bronzerai sur la plage de Royan...
;-)

Lurbeltz a dit…

Lequel ? Ecocide ou les "Ya Basta"?