Chaque année, la question des « attaques » de vautours ressurgit. Hier, quelques médias locaux et nationaux ont repris une information extrêmement accusatrice sans véritable travail d’investigation. La LPO demande un droit de réponse pour expliquer la réalité de la situation des vautours en France.
Un certain nombre de journaux, de radios et une télévision ont publié hier, sans contacter les organismes responsables de la protection des vautours en France (parc national des Pyrénées, LPO, etc.), des titres comme « Les vautours attaquent le Pays basque », sans aucune analyse de la situation ou investigation poussée concernant les faits. Ces informations, livrées brutes et sans recul au grand public, sont dévastatrices pour tout l’effort de conservation de cette espèce rare et menacée mené en France et en Europe depuis plus de trente ans.
Or en Espagne, (Navarre et Gipuzkoa), où les mêmes évènements ont été rapportés, on constate que dans 90 % des cas, les vautours étaient accusés bien trop vite. Dans seulement 10% des cas annoncés, il y avait effectivement eu un dégât sur le bétail mais il s’agissait de cas précis et isolés de bêtes laissées seules en difficulté (malades, coincées ou lors de mises bas difficiles). En effet, la majorité des témoignages fait par les éleveurs concerne des cas de mortalités constatés avec des vautours présents mais les attaques ne sont pas observées directement.
Il existe presque toujours un doute sur ce qu'il s'est réellement passé, en particulier lors des mises bas, même si les éleveurs sont de bonne foi et si leur douleur doit être prise en compte. La présence de vautours, toujours impressionnante visuellement, est la première chose qui saute aux yeux et les vautours sont systématiquement incriminés. L’imaginaire collectif négatif autour de cet animal a tôt fait de ressurgir, et il est accusé systématiquement de tous les méfaits, comme par le passé.
En fait, nous payons en France un changement de réglementation espagnol. La réalité actuelle de la situation en France est qu’il y a eu cet hiver davantage de vautours sur le versant français des Pyrénées, car les vautours espagnols meurent de faim depuis que l'Espagne a changé brutalement de réglementation sanitaire, en particulier en Aragon où toutes les carcasses sont collectées par une entreprise qui les soustrait aux vautours. A noter que cette entreprise effectue un service… payant (et, pour préciser, le directeur de cette entreprise est aussi le conseiller de l’environnement en Aragon !). Mais la situation espagnole devrait évoluer dans le bon sens car éleveurs et amis des vautours se sont alliés contre les administrations afin que les normes sanitaires récentes soient assouplies en faveur des rapaces (dont certaines espèces très menacées). En attendant que l’Espagne ait réglé le problème, la LPO recommande en effet qu'un effort de surveillance soit fait, en particulier sur les mises bas. Il faut savoir qu’il n'y a que 580 couples de vautours dans toutes les Pyrénées françaises, et plus de 5 000 dans les Pyrénées espagnoles. L'état de santé de la population espagnole influe donc beaucoup sur les évènements qui se produisent en France
Ce qu’on dit moins, parce que c’est moins sensationnel, c’est que les vautours génèrent des centaines de milliers d'euros d'économie dans les Pyrénées-Atlantiques (64) tant sur le plan touristique qu’en jouant le rôle d'équarrisseur naturel (700 000 brebis en extensif dans le département) et en nettoyant les montagnes et les collines des carcasses qui sinon poseraient un réel problème sanitaire pour les populations humaines. Et que dire de l’économie de CO∑ réalisé par l’équarrissage naturel et gratuit effectué par les vautours, en évitant le transport par camion et le brûlage des carcasses en usine ?
A l’heure actuelle, tous les cas sont enregistrés par l'Observatoire des dommages au bétail à la suite des constats réalisés par des gardes. Or les cas dénoncés ne sont pas encore analysés et il n'est donc pas possible de déterminer la part de cas certains, incertains ou douteux concernant ces témoignages. En 2005 et 2006, une trentaine de cas par an au total a été dénoncé. Mais combien d’entre eux concernent un réel accident, puisqu’en Espagne seul 1 cas sur 10 s’avère réel ?
Enfin, il faut noter un fait très important : les assurances agricoles ne remboursent pas les mortalités par retournement de matrice (mise bas se passant mal, avec retournement de l’utérus à l’extérieur du corps), alors qu'il s'agit de la première cause de mortalité des vaches. Et c’est essentiellement dans ces cas que des accusations contre les vautours sont portées. Or ce retournement peut intervenir jusqu'à une semaine après la mise bas ! Lorsqu'il advient, un éleveur peut ou non sauver sa vache, s'il arrive avant les vautours. Dans la plupart des cas, les vaches ne sont pas surveillées : les vautours sont alors découverts sur la vache et accusés de l'avoir tuée, alors qu'elle a pu mourir d'un retournement de matrice. La LPO demande à ce qu’un vrai travail d’investigation soit fait avant d’annoncer de telles informations, dont les conséquences sont dramatiques.
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