vendredi 31 juillet 2009

"Mangez-le si vous voulez !"





Aih ! C'est une histoire vraie ! Franchement, ça met mal à l'aise. Beaucoup plus mal à l'aise que les autres livres de Jean Teulé. Je pense que c'est l'ombre de la foule, raide, noire et macabre qui fait ça. Je dirais même que là, le problème, c'est qu'il ne reste que les ombres et qu'elles sont tellement noires qu'elles occultent carrément leur propriétaire. Un peu comme des taches d'encre. Les types et les typettes, dans le livre, ils se font bouffer, couvrir, dévorer , défoncer par leur propre ombre qui se marchent les unes sur les autres, se salissent d'encre noire et rouge sang. Welcome, Bienvenue, Ongi jin à madame la foule décérébrée et connasse. Pouah !
Quand même bon ! En principe, c'est mes frères et soeurs humains ! En principe ! Et ça intrigue encore plus, pour cette raison, bien que là, le mot « intrigue », euh, c'est pas tout à fait ça ! J'en cherche un autre… Attendez ! Ça interpelle, ça laisse perplexe, ça troue le cul, chais pas moi !
C'est aussi un peu pour cela, en partie, que pour moi le peuple n'existe pas. C'est un postulat que j'avance. Allez ! Avance, petit postulat ! N’aie pas peur ! Tant qu'il y aura la foule, il n'y aura pas de peuple. Et la foule abjecte n'est jamais loin. Elle est à la corrida, elle tond les femmes à la libération, elle lapide la femme adultère, elle pratique le bizutage, elle vote Sarkozy, elle fout Le Pen au second tour d'une élection présidentielle, elle écrit « Ours non, Cazetien non » sur les routes du tour de France.
Le peuple, c'est une idée généreuse, un idéal et comme je suis utopiste, j'y crois... J’y crois pour dans mille ans minimum, le plus tôt sera le mieux. Pour l'instant il n'y a que la foule, des peupleux, des ombres d'encre noires et rouges qui sommeillent, prêtes à faire gicler l’hémoglobine dans les caniveaux aux dépens de toutes les belles couleurs de la vie. Toutes les couleurs, même les plus belles, même celles de l'arc-en-ciel. Les salauds, ils mazouteraient le jardin en fleurs de Claude Monet, ils aspireraient les couleurs d’une Ancolie, ils transformeraient un coucher de soleil sur le Saint Laurent en une morne photocopie noir et blanc.
D'ailleurs, cette ombre noire dont je parle m'a empêché un peu de prendre du plaisir à lire. Teulé a une belle écriture, mais une belle écriture qui parle d'une horreur, en cette occurrence, ça n'empêche pas à l'horreur de rester une horreur. Ou alors il eut fallu faire un essai, un genre de texte qui exorcise comme Christian Laborde avec son livre « Corrida Basta ». Dans ce livre Christian Laborde nous prend sous son aile. On ne se trouve pas paumé au milieu de l'épouvante, on dézingue avec lui, on est son complice mais dans le décryptage de l'horreur. Il nous donne un mode d'emploi pour encadrer et cerner les idiots humains. Dans « Mangez-le si vous voulez », c'est un peu « démerde-toi » ! Il nous lâche au milieu des enragés du bulbe.
Enfin, ça vaut le coût de lire ce livre pour savoir de quoi parfois on est capable en tant que gros con de bipède. Et après, en parler un peu avec ses voisins, la famille pour exorciser. Après la lecture de ce putain de livre, lire un Boule et Bill ou un Gaston Lagaffe pour se détacher et se détendre. Parce que les humains parfois, ça tend, voire même, Satan. Parce que, laisser ça dans la place, tout seul, dans son coin, c'est pas bon, ni pour la tête, ni pour le peuple de demain de dans dix mille ans. Ça laisse des dépôts de crasse dans les fentes de la peau et des fientes de glorhotorinocéropodes *dans les synapses du cerveau.
Pour savoir qui on est, où on est, il faut savoir où est sa propre ombre. Il faut la voir. Mais si elle est sur toi, dans toi, si elle t'habite, tu ne vois plus rien, tu n'as plus de recul, t'es comme un con. Car le paradoxe, c'est que l'ombre nous donne une indication d'où vient la lumière, elle permet de nous situer dans l'espace et dans le temps comme avec un gnomon antique. Sans le noir, pas de blanc, sans le haut, pas de bas, sans l'oeil gauche, pas d'oeil droit (c'est aussi valable pour Le Pen), sans le clou pas le marteau.
Et c'est là qu'on se rend compte que l'homme est entre l'ombre et la lumière. Nous devons être des gnomons. Un peu raides, un peu immobiles, mais à même de regarder avec lucidité l’écoulement des nuits et des jours et de sentir sa place sur la terre.
Que tout le monde consulte son luminomètre sub-séquentiel à chronodiphragation et fragmentation à comptage numéral. Soyons lucide une fois pour toute et direction la lumière qui nous est la plus visible, le bel astre solaire. Faisons rentrer la lumière plein la lucarne, réveillons les fibres végétales du gnomon.

Résumé de l'histoire

Le mardi 16 août 1870, Alain de Monéys sort du domicile de ses parents pour se rendre à la foire de Hautefaye.
Il arrive à quatorze heures à l'entrée de la foire. Deux heures plus tard, la foule devenue folle l'aura lynché, torturé, brûlé vif et même mangé. Comment une telle horreur est-elle possible ?
Incapable de condamner six cents personnes d'un coup, la justice ne poursuivra qu'une vingtaine de meneurs. Quatre seront condamnés à mort, les autres seront envoyés aux travaux forcés. Au lendemain de ce crime abominable, les participants hébétés n auront qu une seule réponse : « Je ne sais pas ce qui m'a pris. »

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Il n’en fallait pas plus qu’un fait divers sordide pour laisser libre cours à un certain mépris aristocratique du peuple, tirer des généralités basé sur la haine du collectif, des masses dégénérées à rééduquer ou à éclairer de tes lumières. Et bien sûr vive gaston lagaffe c'est-à-dire l’individualisme libéral type.

Lurbeltz a dit…

Le peuple, pour moi c'est un mot comme le mot société. J'allais presque dire un gros mot. Et d'ailleurs, je suis toujours étonné d'entendre l'extrême gauche faire l'apologie du peuple sans arrêt et défoncer la société. Comme si l'un n'était pas responsable de l'autre. Ne serait-ce que dans l'art de se faire mettre car c'est beaucoup plus facile que se faire maitre.
Personnellement, je n'ai aucune lumière. ce n'est pas de ma lumière dont je parle mais celle du soleil, que les anciens regardaient et peut-être devrions-nous faire de même. Par contre je ressens le désir très souvent de m'écarter de l'ombre du peuple et de lui dire merde de temps en temps.

jenofa a dit…

Ouaihhhhhhhhh! Choueeeeeeette!
Encore une raison supplémentaire de ne pas aller aux fêtes de Bayonne!
Merci Monsieur Teulé!

Lurbeltz a dit…

Oui moi aussi j'ai un peu pensé aux fêtes de Bayonne en lisant le livre. Mais aussi aux fêtes de village par chez moi. A 5 h du mat, on n'est pas très loin parfois du dérapage.
Concernant le peuple, il y a un chanteur français qui a très bien chanté la foule à la con, c'est Renaud, avec au moins deux chansons : Hexagone et Sentimentale mon cul (dans le dernier album), qui est un peu le pendant de Foule sentimentale de Souchon.