dimanche 19 juillet 2009

"tout ce qui n'est pas interdit est obligatoire" !





Il y a quelques temps, Titika Recalt qui a écrit la pastorale 2009 d'Alos, disait dans un journal que nous autres, les souletins, nous étions restés un peu sauvage. Ce mot là a pourtant - dans la bouche de quelques uns - une connotation très péjorative. Je pense notamment à Jean Lassalle qui craint que nous nous retrouvions, nous les Pyrénéens, dans une réserve d'indiens. Et alors ? Pourquoi pas ? Qu'est-ce qu'il a contre les indiens et les sauvages, le grand fada, le Gandhi-Castafiore des pyrénées ? Si c'était seulement contre les réserves qu'il en avait, j'en aurais moins, de réserves, à son endroit. Lassalle - comme la majorité des Pyrénéens (entre autres) - est embrigadé dans la secte, la religion, la si vile isation occidentale de ceux qui pour arriver à construire une putain de grande nation de mon cul, ont colonisé, évangélisé, guerroyé, esclavagisé tous les "sauvages" de la planète pour les mettre à genou. Si aujourd'hui la France est un putain de pays puissant et que le christianisme est la religion principale, ne cherchez pas très loin la raison. Si le Pays-Basque est un petit pays qui perd son âme (même s'il résiste mieux que d'autres) entre la France et l'Espagne, ne cherchez pas non plus.
Voilà pourquoi aujourd'hui, je ne me sens plus trop à l'aise dans les bottes du christianisme que l'on m'a enfilé et voilà aussi pourquoi je rêve que la France se retrouve un jour sous la forme d'une jolie petite région à côté d'autres petites régions que seraient la Corse, le Pays-Basque, l'Occitanie, la Catalogne ou la Bretagne.
Je suis en train de lire un bouquin qui s'appelle Mangareva. Il raconte ce qui est arrivé à Mangareva, une île de "sauvages" dans l'archipel des Gambier, au milieu du 19 ème siècle.
Aujourd'hui si on regarde les sites internet qui parlent de Mangareva, on peut lire ça : "Très peu habitée comme toutes les îles appartenant aux îles Gambiers. Les seuls habitants visibles ici sont des chèvres. Si vous avez la chance d'y aller, elle vous le rendra bien par les vues qu'elle vous offrira. La couleur de la mer entre les îles est inoubliable. Et le calme y règne en maitre." Ça a le goût du cynisme quand on sait ce qui est arrivé à cette île et à ces habitants. Ça brosse le con de touriste dans le sens du poil. "Le calme y règne en maitre", oui, grâce aux missionnaires qui ont détruit une civilisation avec ses habitants qui ne travaillaient pas, qui se foutaient des notions stupides de bien et de mal, qui se promenaient à poil en vivant le moment présent sans chercher à construire une grande nation de mon cul. Les chèvres, elles ont été amenées par les missionnaires de mes fesses. Ils ont perdu le contrôle sur ces animaux qui se sont retrouvés à l'état sauvage et ont finalement contribué à appauvrir l'écosystème de l'île en broutant tout ce qu'elles pouvaient se mettre sous la dent. Elles sont devenues faméliques comme ces pauvres indigènes. Les colons ont aussi pillé le récif corallien pour construire une cathédrale, épuisé le stock d'huître pour en extirper les perles et les revendre, ils se sont attachés à convaincre les Polynésiens d'abandonner leur culture et leur croyances et de brûler toutes leurs idoles. Ils avaient interdiction de se laver, de chanter, de danser, de sortir le soir et comme l'avait décrété l'abbé Laval, à qui on doit ce désastre, "tout ce qui n'est pas interdit est obligatoire" !!! Il faut lire ce livre, c'est dingue !
Dans les Pyrénées, il n'y a pas finalement si longtemps, nous aussi, nous avions une façon de vivre assez proche des anciens habitants de l'île de Mangareva. Je ne veux pas dire que c'était la vie idéale, mais c'était un mode d'existence qui aurait pu servir de paradigme. Le massacre a été et est plus lent (osons dire, l'ethnocide), mais nous avons suivi le même processus. Je me demande comment nous aurions évolué si tous les mecs qui ont des certitudes à la mords moi le noeud n'avaient pas cherché à les imposer aux autres, si les ambitieux, ceux qui cherchent toujours à exploiter les autres pour en retirer des bénéfices avaient foutu la paix aux "sauvages" et si ceux qui vivaient différemment avaient été respectés dans leur altérité.
Voilà pourquoi j'essaie de garder un oeil lucide sur la société dans laquelle je vie, sachant pertinemment qu'elle est le fruit de la guerre, de la colonisation, de l'esclavagisme, de l'appât du gain, de la soif de puissance. La civilisation occidentale a gagné, il n'y a plus aujourd'hui qu'une civilisation, une culture et bientôt probablement il n'y aura plus qu'une langue. Si cela ne vous fout pas un peu la rage, alors on est cuit.
Le droit de vivre différemment, c'est bien ce que sous-entendait Titika en parlant des "sauvages". La liberté de devenir autre et autrement, voilà un beau sujet de réflexion. Qu'est-ce que cela veut dire si on déroule le film saccadé et empirique de l'histoire humaine ? Ça veut dire qu'il ne faut pas tout accepter de cette société et qu'il faut avoir le courage de dire que nous sommes arrivés au bout de quelque chose. Qu'il faut être résistant et choisissant. C'est Albert Jacquard qui, dans son livre "Voici le temps du monde fini", parlait de la finitude de notre planète. Il citait Paul Valéry qui disait "Le temps du monde fini commence". Il est admis alors que nous devons regarder avec un oeil critique les grandes valeurs de notre civilisation, le travail, la religion, l'argent, le progrès technologique, l'industrie, le nationalisme, sous peine de nous rétamer la gueule par terre, entraînant tout dans notre carnage.
Cela veut dire aussi qu'aucune période de l'histoire n'a raison en elle même et qu'aucune culture ne détient LA vérité qui est encore à découvrir et que nous ferions bien de rester modestes avec nos centrales nucléaires, nos ordinateurs, nos téléphones portables, nos bagnoles et tous les joujous dont nous sommes si fiers.
C'est quoi un sauvage ? Quelqu'un de libre, un artiste, un bohémien, un animal sauvage, un ours qui lutte pour sa survie, une "mauvaise herbe" qui veut pousser où elle veut, un bohémien, un arbre, un insecte, un rebelle qui assumerait son individualité, un homo qui cherche à vivre avec sa sexualité, un peuple qui lutterait pour garder sa culture, tous ceux qui luttent pour la liberté d'être et d'exister sans les valeurs morales de mon cul, du travail, de la religion, de la société du prêt-à-penser et du prêt à consommer.

A lire : "Mangareva" de Jean-Hugues Lime - Le cherche midi

--> 12 oeuvres d'art seulement sont rescapées du désastre
--> Les 12 oeuvres à Tahiti
--> Le site internet de l'auteur de "Mangareva"
--> Comment l'histoire s'est arrêtée à Mangareva (Telerama.fr)
--> Le père Laval vu par les Picputiens de France (Vous verrez, Laval était un homme formidable - sic)


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