Déjà, moi, j'avais pas envie d'y aller. Une pêcherie, ça m'intéresse pas. Puis j'étais pas dans mon assiette. Mettre un poisson dedans, ça n'aurait pas fait bon ménage. J'avais fait une mauvaise sieste, le genre qu'on n'arrive pas à se relever, cloué dans le lit. Et quand on se lève finalement, on a l'impression d'avoir le lit collé dans le dos. Pour couronner le tout, une migraine. Bon finalement, j'ai suivi comme une vieille limace cacochyme, les deux enfants à l'arrière et Gilda qui conduisait. En route pour la pêcherie d'Aurit. On à traversé la zone industrielle de Lacq. Une horreur. La banlieue à une demie heure de la maison. Le paysage destructuré pour les petits soins de la chimie ou de je ne sais quoi. Je suis tellement habitué aux paysages de Soule et le paradis où j'habite que je n'arrive pas à me faire à ce Béarn lacéré et banlieusardisé. Donc c'était plus qu'étonnant de trouver là, au milieu de ce cloaque industriel, un genre d'îlot avec un étang, un saule pleureur planté en son milieu et des dizaines d'animaux dit de basse-cour. Des chêvres, des moutons, de canards, des oies, des poules en liberté et toute une ribambelle d'animaux assez singuliers.
Et puis évidemment, mon fils Jolan a voulu pêcher. Quand on est arrivé, justement, un gamin venait d'attraper une truite. Elle frétillait entre ses mains mais on sentait bien que le gamin était plus embarrassé qu'autre chose :
- "Maman comment on fait pour la tuer ?"
Et vas-y que la truite s'échappe de ses mains et tombe dans l'herbe. Le gamin la récupère un peu dégoûté.
-"mais maman elle est vivante ?"
Je pensais en moi même : "Ben ouaih, tu l'as pêché vivante, sans blague !". Le gosse panique, il prend la truite et commence à lui cogner la tête, à plusieurs reprises, contre la barrière qui le séparait du petit étang.
- " Mais non chérie, c'est pas comme ça qu'on fait pour tuer une truite. Donne là au monsieur"
Le monsieur à côté, il a pris la truite et je ne sais pas ce qu'il a fait parce qu'il a tourné le dos (ou c'est moi qui ai tourné le dos, je ne sais plus trop et de toutes façons, je ne voulais pas voir). J'ai juste vu qu'il lui enfonçait les deux doigts dans la gueule puis j'ai entendu un craquement sinistre.
- "Tiens voilà, elle est morte".
Je pensais en moi moi même qu'il aurait un truc, le monsieur, qui permettrait de tuer le poisson en douceur... Tu parles !
Le gamin est parti avec sa truite et j'ai récupéré sa canne que j'ai donné à Jolan. Il a tenu la canne cinq minutes et évidemment, comme ça ne mordait pas, il en avait marre. C'est donc moi qui ai pris le relais. A côté, des petits enfants attendaient que le papy attrape une truite. Pour les faire moucher, les gamins envoyaient des bouts de biscuits au chocolat. Puis le moment que je redoutais est arrivé, j'ai senti le bouchon s'enfoncer puis j'ai levé la canne, plus par réflexe que par conviction. Une truite prise au piège gigotait au bout du fil. Jolan était content, mais pas trop. Il était "partagé" comme on dit. Moi pas. Quand j'ai vu que l'hameçon était coincé au fond de la gorge, à telle enseigne que je n'arrivais même pas à saisir l'hameçon, je me suis trouvé très con.
Je pensais en moi même que le poisson se débattant, à chaque fois l'hameçon s'enfonçait un peu plus. Je sais ce que vous êtes en train de dire... "il devrait arrêter de penser".
-" Euh, comment on enlève l'hameçon?" demandai-je, "Il est enfoncé vachement profond".
Le monsieur est arrivé, je lui ai tendu la truite. Il a commencé à triturer l'hameçon qui ne sortait pas. je l'ai vu forcer en tirant sur le fil. J'ai tourné la tête. Quand j'ai regardé à nouveau, j'ai vaguement aperçu l'hameçon lâcher, emportant le palais du poisson dans un craquement sinistre qui rappelait un peu celui de tout à l'heure.
Je pensais en moi même (c'est plus fort que moi) que le gars aurait un truc pour sortir l'hameçon sans coup férir. Tu reparles !
- "Vous pouvez accrocher les morçeaux au bout de l'hameçon, les truites adorent ça."
- Ah !
J'étais désintégré. Jolan a demandé si elle était morte. je lui ai dis que oui. Puis nous avons fait des tours de pottok. J'ai regardé les arbres signalés par de petits panneaux qui expliquaient l'espèce à laquelle ils appartenaient et quelques petites anecdotes au sujet de l'histoire de l'arbre, de son symbolisme et de son utilisation depuis des temps immémoriaux. On est allé caresser les cochons d'Indes, donner du maïs aux moutons et aux chèvres, admiré le Paon qui faisait sa roue, puis nous sommes rentrés à la maison avec notre truite dans une poche.
Quand je l'ai sortie de la poche plastique, elle était toute raide et l'arrière barrait un peu vers tribord. Je me rappelle ce que nous avait dit la dame. "Vous lui ouvrez le ventre, vous la videz, c'est très simple". J'ai planté le couteau, j'ai coupé un peu et j'ai laissé finir Gilda ne supportant pas le craquement, le bruit de scie du couteau dans la chair, m'étonnant que ce soit si dur à couper. Peut-être que les humains, c'est dur à couper aussi, quand ils sont morts. Au moment de manger le poisson, j'ai pensé qu'il y avait à peine une heure de cela, pas plus, cet animal vivait sa vie dans les eaux de l'étang d'Aurit. J'avais encore en tête le cadavre raide et tordu. J'ai pas eu le goût de le manger.
Pourquoi je vous raconte ça ? Peut-être pour illustrer ce que peut être une éducation hors-sol. Finalement je suis un écolo qui n'a pas été éduqué dans la nature. Même si j'ai envie de me réapproprier certaines choses, je sens bien qu'il peut y avoir des choix à faire. Ça tombe bien, parce que, contrairement à ce qu'on nous dit depuis longtemps, ni la viande, ni le poisson ne sont indispensables à l'équilibre alimentaire. Alors la pêche, excusez-moi, mais je laisse ce hobby à tous ces artistes et spécialistes qui savent si bien s'y prendre, avec tant de douceur et de délicatesse.
A moi le potager, la forêt à regarder, les fruits à cueillir.
Et puis évidemment, mon fils Jolan a voulu pêcher. Quand on est arrivé, justement, un gamin venait d'attraper une truite. Elle frétillait entre ses mains mais on sentait bien que le gamin était plus embarrassé qu'autre chose :
- "Maman comment on fait pour la tuer ?"
Et vas-y que la truite s'échappe de ses mains et tombe dans l'herbe. Le gamin la récupère un peu dégoûté.
-"mais maman elle est vivante ?"
Je pensais en moi même : "Ben ouaih, tu l'as pêché vivante, sans blague !". Le gosse panique, il prend la truite et commence à lui cogner la tête, à plusieurs reprises, contre la barrière qui le séparait du petit étang.
- " Mais non chérie, c'est pas comme ça qu'on fait pour tuer une truite. Donne là au monsieur"
Le monsieur à côté, il a pris la truite et je ne sais pas ce qu'il a fait parce qu'il a tourné le dos (ou c'est moi qui ai tourné le dos, je ne sais plus trop et de toutes façons, je ne voulais pas voir). J'ai juste vu qu'il lui enfonçait les deux doigts dans la gueule puis j'ai entendu un craquement sinistre.
- "Tiens voilà, elle est morte".
Je pensais en moi moi même qu'il aurait un truc, le monsieur, qui permettrait de tuer le poisson en douceur... Tu parles !
Le gamin est parti avec sa truite et j'ai récupéré sa canne que j'ai donné à Jolan. Il a tenu la canne cinq minutes et évidemment, comme ça ne mordait pas, il en avait marre. C'est donc moi qui ai pris le relais. A côté, des petits enfants attendaient que le papy attrape une truite. Pour les faire moucher, les gamins envoyaient des bouts de biscuits au chocolat. Puis le moment que je redoutais est arrivé, j'ai senti le bouchon s'enfoncer puis j'ai levé la canne, plus par réflexe que par conviction. Une truite prise au piège gigotait au bout du fil. Jolan était content, mais pas trop. Il était "partagé" comme on dit. Moi pas. Quand j'ai vu que l'hameçon était coincé au fond de la gorge, à telle enseigne que je n'arrivais même pas à saisir l'hameçon, je me suis trouvé très con.
Je pensais en moi même que le poisson se débattant, à chaque fois l'hameçon s'enfonçait un peu plus. Je sais ce que vous êtes en train de dire... "il devrait arrêter de penser".
-" Euh, comment on enlève l'hameçon?" demandai-je, "Il est enfoncé vachement profond".
Le monsieur est arrivé, je lui ai tendu la truite. Il a commencé à triturer l'hameçon qui ne sortait pas. je l'ai vu forcer en tirant sur le fil. J'ai tourné la tête. Quand j'ai regardé à nouveau, j'ai vaguement aperçu l'hameçon lâcher, emportant le palais du poisson dans un craquement sinistre qui rappelait un peu celui de tout à l'heure.
Je pensais en moi même (c'est plus fort que moi) que le gars aurait un truc pour sortir l'hameçon sans coup férir. Tu reparles !
- "Vous pouvez accrocher les morçeaux au bout de l'hameçon, les truites adorent ça."
- Ah !
J'étais désintégré. Jolan a demandé si elle était morte. je lui ai dis que oui. Puis nous avons fait des tours de pottok. J'ai regardé les arbres signalés par de petits panneaux qui expliquaient l'espèce à laquelle ils appartenaient et quelques petites anecdotes au sujet de l'histoire de l'arbre, de son symbolisme et de son utilisation depuis des temps immémoriaux. On est allé caresser les cochons d'Indes, donner du maïs aux moutons et aux chèvres, admiré le Paon qui faisait sa roue, puis nous sommes rentrés à la maison avec notre truite dans une poche.
Quand je l'ai sortie de la poche plastique, elle était toute raide et l'arrière barrait un peu vers tribord. Je me rappelle ce que nous avait dit la dame. "Vous lui ouvrez le ventre, vous la videz, c'est très simple". J'ai planté le couteau, j'ai coupé un peu et j'ai laissé finir Gilda ne supportant pas le craquement, le bruit de scie du couteau dans la chair, m'étonnant que ce soit si dur à couper. Peut-être que les humains, c'est dur à couper aussi, quand ils sont morts. Au moment de manger le poisson, j'ai pensé qu'il y avait à peine une heure de cela, pas plus, cet animal vivait sa vie dans les eaux de l'étang d'Aurit. J'avais encore en tête le cadavre raide et tordu. J'ai pas eu le goût de le manger.
Pourquoi je vous raconte ça ? Peut-être pour illustrer ce que peut être une éducation hors-sol. Finalement je suis un écolo qui n'a pas été éduqué dans la nature. Même si j'ai envie de me réapproprier certaines choses, je sens bien qu'il peut y avoir des choix à faire. Ça tombe bien, parce que, contrairement à ce qu'on nous dit depuis longtemps, ni la viande, ni le poisson ne sont indispensables à l'équilibre alimentaire. Alors la pêche, excusez-moi, mais je laisse ce hobby à tous ces artistes et spécialistes qui savent si bien s'y prendre, avec tant de douceur et de délicatesse.
A moi le potager, la forêt à regarder, les fruits à cueillir.
Le 28 juin 2009
5 commentaires:
Quelle idée, aussi, de partir en vacances quand on habite là où tu habites!
T'aurais mieux fait de nous inviter à boire un verre, tiens!
Fabienne te fait dire qu'elle a ressenti la même chose... Cependant, ça ne l'a pas empêchée de la manger, la truite... Une fois qu'elle est crevée et rigor mortis dans sa poche, il faut bien la bouffer, hein? on va quand même pas la donner au chien... Pareil, il l'aurait même pas mangée, après lui avoir léchouillé la queue...
Disons que je comprends ton sentiment aussi. J'aime pas la pêche (ni la chasse, ni la corrida), surtout qu'aujourd'hui, franchement, on n'en a pas besoin pour vivre! Les automatismes de survie, il sera bien assez tôt pour les retrouver en temps utiles!
Et bon... On peut aussi demander pardon à l'animal, comme faisaient les sioux!
Oui, surtout qu'en notre période, on a accès à une alimentation variée. Par conséquent, la viande, le poisson et les crustacés, ça vient en sus du reste. Et vu les élevages concentrationnaire, vu la raréfaction du poisson à cause de la pêche intensive, on ferait bien de revoir notre consommation.
J'habite depuis 2 ans dans le Béarn, celui qui est pas très joli. Cet aprèm je vais aller à la pêcherie d'Aurit, pas pour pêcher mais pour le marcher fermier qui a lieu aujourd'hui seulement...
Un de ces 4 j'irai faire un trou dans la Soule puisque ça à l'air plus sympa que la banlieue de Pau ;-)
Monsiiiieur l'artiste à qui l'on doit ce magnifique article .
Connaissez vous l'expression, si j'avais su, j'aurais pas venu ?
et ben vous n'auriez pas du venir sur ce site tout à fait exceptionnel où le personnel y est tout à fait charmant et serviable, le patron , toujours à l'écoute de ses client. Mes enfants et moi même, nous nous sommes régalées.
Pour un prix d'entré tout à fait modeste, nous avons pu voir des zébus ( en effet, ce sont des animaux de ferme tout à fait banal ), des moutons d'Ouessant, des cygnes noir, et j'en passe !!!
Puis nous sommes partis en forêt, mes enfants à dos de petits poneys Schetlands, d'une rare gentillesse.
Quand à la partie de pêche se fut franchement une belle partie de rigolade qui m'a rapellé les joies de mon enfance dans le pays basque.
Nous avons pêchés 4 belles truites Arc en Ciel mais pour notre plus grand malheur nous avons cassé sur une des plus grosses truites du lac comme nous l'a fait remarqué le jeune homme, qui, passionné , aime instruire les jeunes aux joies de la pêche.
Pour moi ce fut une excellente journée et certainement pas la dernière en cet Eden.
Quand aux commentaires, vous mangez tous des produits de supermarché, savez vous au moins comment sont élevés ces animaux ?
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