jeudi 8 septembre 2011

«Un clan a pris le pouvoir dans notre pays »

Eva Joly. (Gérard Julien / AFP)

INTERVIEW d' Eva Joly, candidate Europe Ecologie-les Verts à l’élection présidentielle :

Eva Joly, candidate à la présidentielle d’Europe Ecologie-les Verts (EE-LV), analyse le climat de cette rentrée politique. Et réagit à l’annonce, hier, de la démission de Laurence Vichnievsky de son poste de porte-parole d’Europe Ecologie-les Verts suite à la polémique déclenchée aux journées d’été du mouvement, mi-août, par la publication d’une tribune dans Libération où elle prônait une orthodoxie budgétaire à rebours du programme d’Eva Joly.

La démission de Laurence Vichnievsky est-elle un coup porté à votre campagne ?
Laurence et moi, c’est une amitié de vingt-cinq ans que rien ne peut altérer. Nous avons traversé bien des épreuves ensemble [toutes deux partageaient le même bureau lorsqu’elles étaient juges d’instruction au pôle financier du tribunal de Paris dans l’affaire Elf, ndlr]. Ses positions appartiennent à un courant de pensée. Il n’est pas anormal qu’il soit représenté à Europe Ecologie. Je comprends qu’elle préfère laisser le porte-parolat pour être libre de développer sa vision économique et financière, avec laquelle je suis en désaccord. Pour moi, cela ne change rien, je souhaite qu’elle fasse partie de ma campagne. Je serai d’ailleurs demain avec elle à Marseille.

Après votre campagne de la primaire axée sur «l’écologie de combat» face à Nicolas Hulot, comment comptez-vous rassembler ?
Mon objectif aujourd’hui est de réussir le rendez-vous entre l’écologie et les Français. Le système financier est malade. Tout comme le système d’exploitation sauvage des ressources et des matières premières. Il faut donc changer de paradigme pour les réguler. Ce que je veux, ce n’est pas me recentrer mais prouver que nous portons des solutions plus sages, plus justes et plus durables.

La crise et la menace de récession ne font-ils pas passer l’écologie pour un luxe ?
Au contraire, c’est une nécessité, puisque les crises écologique, financière et sociale sont liées ! Et que nous sommes les seuls à les traiter ensemble. Après la crise de 2008, le mouvement néolibéral, malheureusement majoritaire en Europe, n’a pas réagi. La Grèce a besoin d’un plan Marshall et pas qu’on lui impose des sacrifices tellement lourds qu’ils n’ont aucune chance d’être réalisés. Si nous sommes si lents et si petits joueurs dans notre réponse à la crise, c’est parce que c’est toujours l’oligarchie des grands établissements financiers qui décide. La crise de l’euro ne peut se résoudre que par la mutualisation de la dette et l’émission d’eurobonds [obligations à taux unique garanti par l’UE]. L’Europe, c’est un navire qui n’est pas achevé et affronte la tempête. On va voir si on est capable de le consolider pour qu’il arrive à bon port.

Affaire Bettencourt, écoutes de journalistes par le pouvoir, cette rentrée se déroule dans un drôle de climat…
Ces affaires sont le symptôme du fait que c’est un clan qui a pris le pouvoir dans notre pays. Un clan qui privatise les institutions à son profit et notamment la justice. Je n’ai pas de mots assez forts pour dire combien cela m’indigne qu’on utilise les services du contre-espionnage pour trouver les sources des journalistes ou contre les magistrats pour les dessaisir. Comme si les magistrats et les journalistes étaient les ennemis. Ce n’est pas une question de sécurité intérieure. S’il y a des fuites, cela relève du droit pénal classique : on porte plainte et on laisse un juge enquêter dans le cadre de la loi. S’affranchir des règles, mentir devant la représentation nationale, cela veut dire qu’il n’y a plus de limites. Brice Hortefeux a menti en affirmant que la DCRI [Direction centrale du renseignement intérieur]«n’est pas la Stasi, son rôle n’est pas de tracasser les journalistes». En Grande-Bretagne, en Allemagne, aux Etats-Unis ou dans les pays nordiques, ce gouvernement n’aurait pas survécu vingt-quatre heures !

Quand François Hollande se donne pour objectif de réduire à 50% l’électricité d’origine nucléaire en 2025, c’est une main tendue aux écologistes ?
C’est un pas. Mais il n’a pas encore complètement intégré Fukushima. Il va falloir, pour s’entendre avec nous, que nous prenions la décision de sortir du nucléaire non pas à 50% mais à 100%. Et sur une durée à déterminer avec les experts, mais de l’ordre de vingt-cinq ans.

Martine Aubry est plus écolo-compatible ?
Je suis candidate pour porter le projet écologiste, pas pour choisir le candidat socialiste. Toutefois, j’observe qu’elle a exprimé plus tôt et plus clairement son ouverture à la sortie du nucléaire.

Avez-vous des réserves, comme elle, sur l’attitude de Dominique Strauss-Kahn envers les femmes ?
Les images de son retour en France, sous les applaudissements, me heurtent. Ce n’est pas le retour d’un héros. J’ai l’impression que cela anéantit des dizaines d’années de lutte contre le harcèlement sexuel et les violences faites aux femmes.

Photo Rémy Artigues
Par Matthieu Ecoiffier

2 commentaires:

Etienne H. BOYER a dit…

J'ai été outré par les propos encore une fois très orientés de la journaliste de France Inter ce matin, à 7h30.
Je ne comprends pas ce que les journalistes ont à gagner à faire passer les écolos (et en particulier les verts) pour des andouilles incapables de s'entendre entre eux. Comme si c'était un fait unique dans les partis politiques!

Le problème, c'est que même si Laurence Vichnievsky a démenti, l'auditeur moyen aura encore retenu les allégations biaisées de la journaliste.

Lurbeltz a dit…

Oui je l'ai entendu mais vaguement parce que depuis la rentrée, le matin, c'est chaud ! J'essaie de baisser le volume des enfants et ça marche pas !