lundi 26 septembre 2011

Aux États-Unis, bras de fer autour du pipeline de la discorde


 Début septembre, plus d’un millier de personnes ont été arrêtées au cours d’actions de désobéissance civile devant la Maison-Blanche. En jeu : demander à Barack Obama de rejeter le projet de pipeline géant Keystone XL, qui doit acheminer le pétrole bitumineux du Canada vers les États-Unis. C’est probablement le plus large mouvement de désobéissance civile jamais vu pour une cause écologique dans ce pays. Explications.


C’est l’une des plus importantes campagnes de désobéissance civile jamais planifiées aux États-Unis pour une cause écologique. Du 20 août au 3 septembre, des milliers de personnes ont participé à des sit-in quotidiens devant la Maison-Blanche. Interdits, ces rassemblements ont abouti à l’arrestation de 1 252 personnes, dont des personnalités comme l’actrice Daryl Hannah ! Des dizaines d’autres actions ont animé les rues un peu partout aux États-Unis et au Canada, à l’initiative de Tar Sands Action, un réseau d’organisations luttant contre les sables bitumineux.
Cette protestation visait Washington et la Maison-Blanche. Objectif : que Barack Obama rejette la construction d’un pipeline, Keystone XL, acheminant le pétrole produit à partir de sables bitumineux de l’Alberta vers des raffineries du Texas. Long de 2 735 kilomètres, ce pipeline doit traverser du nord au sud les États du Montana, du Dakota-du-Sud, du Nebraska, du Kansas et de l’Oklahoma. Coûtant 7 milliards de dollars et porté par la major de l’énergie nord-américaine TransCanada, il pourrait acheminer 700 000 à 800 000 barils de pétrole non raffiné par jour.
« Une insulte faite aux communautés indigènes »
Les opposants pointent les risques de fuite sur le parcours. Par exemple, la nappe aquifère de l’Ogallala, la principale source en eau potable des Grandes Plaines, ou les grandes dunes de sable du Nebraska pourraient être directement contaminées. Un autre pipeline, plus petit, Keystone 1, détenu par la même compagnie, a enregistré douze fuites pour sa première année d’opération, selon les Amis de la Terre. La dernière en date est intervenue le 6 mai 2011 dans le Dakota-du-Nord, avec 80 000 litres d’hydrocarbures répandus dans la nature. En 2010, c’est un autre pipeline canadien qui a déversé 3,2 millions de litres dans une rivière du Michigan…
Les critiques du pipeline ne s’arrêtent pas là. « Nous ne voulons pas de ce pétrole sale », scandaient les manifestants venus des quatre coins des États-Unis et du Canada. « Le pétrole issu des sables bitumineux est un véritable scandale, une insulte faite aux communautés indigènes qui en supportent les conséquences », selon Naomi Klein, journaliste canadienne, auteure de No Logo et de la Stratégie du choc. « Ce n’est pas un pétrole éthique, comme ils disent, poursuit-elle, c’est une honte, une honte pour le Canada. »
Déforestations, cancers et marées noires
Pour accéder aux sables bitumineux dont est issu le pétrole destiné au pipeline Keystone XL, les entreprises pétrolières rasent la forêt boréale de l’Alberta et enlèvent le terreau de surface. Puis elles creusent sur 50 mètres de profondeur et extraient les sables à partir de mines à ciel ouvert à l’aide de camions de 365 tonnes et de grues aux pelletées de 100 tonnes. Les sables sont ensuite mélangés à de l’eau chaude et de la vapeur pour en séparer le bitume [1]. Bien trop visqueux, celui-ci n’est pas commercialisable en l’état. Il est alors converti en syncrude – un pétrole brut de synthèse – au prix de trois étapes de cokéfaction, hydrocraquage et hydrotraitement, nécessitant une grande quantité d’énergie et d’eau.
Chaque étape de la production implique des conséquences environnementales et sanitaires. La coupe de la forêt boréale réduit considérablement la faune et la flore présentes dans l’écosystème et dont vivaient les populations autochtones. Quatre à cinq barils d’eau étant nécessaires pour produire un baril de pétrole, les prélèvements en eau douce sont démesurés. Plus de 130 km2 de bassins de décantation ont dû être construits, générant par manque d’étanchéité des risques de contamination des nappes phréatiques. Causant l’équivalent d’une marée noire par an, le rejet massif de boues chargées de bitume et de polluants, comme le mercure, souillent les rivières, les sols et les ressources issues de la pêche et de la chasse. Ainsi, Fort Chipewyan, situé 230 kilomètres en aval sur la rivière Athabasca, connaît des taux de cancer 30 % supérieurs à ceux de la province.

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