Qui connaît Jean Pitrau ? Depuis très longtemps j’entends son nom, comme une rumeur, un bruit de fond. Grâce à Aguxtin Errotabehere et à son livre « Jean Pitrau La révolte des montagnards », j’en sais un peu plus sur le personnage. Décédé le 17 juillet 1975, succombant à une crise cardiaque à l’âge de 47 ans, Jean Pitrau aurait eu 82 ans au mois d’août de cette année.
Jean Pitrau est née à Tardets. Il est paysan et il décide de partir au combat pour que les conditions de vie des montagnards soient prises en considération. En lisant ce livre, on se rend compte qu’il est fort d’une énergie incroyable de combattant et qu’il a une idée bien précise du combat qu’il veut mener. Dans le livre Guy Verlhac qui témoigne de son séjour en Soule compare un peu l’énergie et les motivations d’un Pitrau à celles d’un Pierre Rabhi aujourd’hui.
D’abord il faut dire qu’à cette époque dans les années soixante, ELB et la Confédération paysanne n’existent pas encore. La FNSEA est le seul syndicat. Et Pitrau ne se reconnaît pas dans cet organisme qui ne se préoccupe pas vraiment des problèmes des paysans de montagne et qui est dans une démarche totalement productiviste (ce qui est le cas encore aujourd’hui). Il crée l’ASAM (Association au service des agriculteurs Montagnards). Le but est d’aider les paysans, par de la formation, de la recherche technique, de l’entraide.
Pitrau se montre très critique envers les aménagements qui se mettent en place comme le complexe d’Iraty, la création du parc national des Pyrénées, les stations de ski avec le projet du Sousssouéou dans le Béarn et un projet de village vacances sur le plateau du Benou en vallée d’Ossau. Et Puis l’ASAM participe à la mobilisation pour défendre les paysans du Larzac menacés d’expropriation dans le but d’élargir le camp militaire.
En 1967, c’est le fameux tremblement de terre qui secoue la région d’Arette. L’ASAM est aux avant-postes pour aider les sinistrés. C’est à cette période qu’arrive de nombreux jeunes marqués par l’esprit 68, anti-militariste, pour prêter main forte aux paysans pour les travaux d’été. Je cite in extenso ce paragraphe ou l’auteur raconte la fois où le capitaine de gendarmerie de Tardets interroge Pitrau au sujet de tous ces volontaires « Maoïste » qui risquaient, selon lui, de semer le désordre dans la région. Pitrau répondit qu’il ferait regagner son foyer à chaque « Maoïste », qui serait remplacé par un fils de gendarme… Cassé le capitaine de gendarmerie ! On raconte que Pitrau avait une langue très ciselée et percutante. C’est durant cette période que José Bové ou Noël Mamère passeront dans le coin et certains que nous connaissons aujourd’hui vont s’installer définitivement ici en Soule.
Avec le recul, je pense qu’il faut être gonflé pour accueillir ici en Soule des militants de ce genre. On voit le choc qu’a été pour certains il y a 20 ans l’arrivée les « brigades internationales de l’écologie » et ses militants venus du monde entier pour lutter contre le tunnel du Somport en vallée d’Aspe.
Le livre raconte aussi le scepticisme de Pitrau et de ses amis lorsque la loi montagne voit le jour le 3 janvier 1972. L’inquiétude de voir l’accès à la montagne s’ouvrir aux intérêts privés, à l’aménagement touristique est grande. Pitrau défendra la coutume de Soule qui reconnaît une gestion collective des communaux et les droits d’usage qui leur appartiennent depuis le Moyen-âge.
Le dernier combat de Pitrau sera celui de l’école de son quartier. Car à cette époque il y a avait déjà le problème des fermetures.
Globalement quand on lit ce bouquin, on se dit que rien n’a fondamentalement changé 50 ans après et on constate les mêmes problèmes de paupérisation et de désertification. Les petits paysans continuent de disparaître au profit d’industriel de l’agriculture. J’en viens là à ma conclusion parce que je parlais de désertification et ce mot est très présent dans le livre accompagné de la vieille antienne qui explique que sans les hommes, sans les paysans, la Soule serait moche, elle serait un désert. Ce qui est du grand n’importe quoi, une fois de plus. Comme si sans nous la nature serait perdue. Dans le bouquin, à plusieurs reprises, l’auteur fait aussi le portrait d’un Jean Pitrau qui demande le remembrement des terres agricoles, qui réclame du soutien chimique pour éliminer les ronces et les orties et qui réclame des routes à corps et à cris. Il est normal pour l’époque que la modernité, la mécanisation, la chimie soient très attendus vu les conditions difficiles d’existence. Par contre l’auteur ne déforme-t-il pas la vision du paysan souletin, Jean Pitrau ? Notamment lorsqu’il dit dans la 4 ème de couverture, « «il aura contribué à la mise en place d’une politique d’aide sans laquelle vidées de leurs occupants, livrées à elles-mêmes, les montagnes seraient devenues un milieu aussi sauvage qu’hostile ». Le voilà bien l’idée que combat les éditions associatives Astobelarra / Le Grand Chardon. Sans l’homme, la nature n’existe pas, elle serait sauvage, donc évidemment hostile. Est-il à rapprocher d’un Pierre Rabbhi oui ou non ?
Quel regard sur la nature avait Pitrau précisément ? Des amis écolos qui l’ont connu doute disent que son raisonnement était beaucoup plus fin que celui qui lie les mots « sauvage » et « hostile ». C’est un peu ce qui nous a donné l’idée, à Astobelarra, de faire quelque chose un de ces jours, mener une petite enquête, peut-être sortir un petit recueil d’entretiens et de témoignages. Ce serait un beau projet non ?
Jean Pitrau « La révolte des montagnards » Agustin Errotabehere – Préface de José Bové. Elkar
Un article sur le Journal du Pays-Basque
1 commentaire:
Je te l'emprunterai pour aller à la plage cet été!
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