dimanche 15 mai 2011

"Le fait de créer fait du bien là où ça fait mal"


Entretien avec Mixel ETXEKOPAR / Musicien

Sources : Le Journal du Pays-Basque

Pour le Souletin Mixel Etxekopar, le constat reste le même : l’euskara survit difficilement à la vie quotidienne. Pour lui, les initiatives populaires sont de loin les meilleurs fondements à la création en Pays Basque.

Que pensez-vous de la situation de la création en Pays Basque ?

Nous savons créer des outils pour mettre en œuvre la création. Je prends l’exemple de la Soule, parce que c’est sur ce territoire que j’agis, mais je crois qu’on ne peut pas attendre grand-chose des institutions. C’est pour ça que nous avons mis en place des initiatives comme Xiru ou le collectif Hebentik. Si nous sommes aidés ponctuellement par les institutions, ces projets restent quand même des initiatives populaires, nous avons vite compris que la Soule ne rentrait pas dans les critères institutionnels. Nous avions un centre culturel qui a déposé le bilan, malgré tous les efforts fournis pour survivre. Celui-ci soutenait les projets dans le sens de la création artistique. Avec l’apparition des scènes de proximité, à savoir les Scènes de pays, nous avons cru que cette situation changerait, mais en réalité, leur création n’a pas été suivie des faits pour la Soule. C’est pourquoi, une fois la déception passée, nous avons créé nos propres outils pour faire ce dont on avait besoin, et pas seulement envie, comme notre projet de film en souletin ou encore les lectures de pastorale.

Alors oui, sans les institutions nous avons une liberté de création plus grande, seulement, cette liberté, nous la payons.

Où est la place de l’euskara dans cet univers culturel ? Comment aborder cette langue dans la création ?

Tout d’abord, le fait de créer fait du bien là où ça fait mal. Et là où ça me fait mal à moi, c’est pour l’euskara. Pour sa perte de communication. C’est pour cette raison que créer en euskara fait du bien. Après, pour parler d’autres modes de diffusion, le bilingue ne me convainc pas, mais je n’ai pas de solution. C’est pour cela que je considère que toutes les initiatives sont bonnes pour diffuser la langue, même si ce n’est pas toujours la panacée. Nous-mêmes faisons souvent des spectacles qui ne sont pas traduits, mais cela n’empêche pas d’aller vers les autres en parallèle. Parce que le danger en attendant que les gens s’approchent d’une langue, c’est justement qu’ils ne le fassent pas. Et que fait-on à ce moment-là ? Aucune loi ne dit qu’il faut s’approcher. C’est à nous d’être porteurs de projets stimulants. Il n’y a qu’en éclaboussant un peu autour de nous que l’on peut faire des taches, même si ce sont parfois des taches de boue.

Cette façon de faire marche dans la réciprocité. C’est à tout le monde faire un pas vers l’autre.

Considérez-vous que la culture basque puisse être fondée sur un fonds culturel commun ? Et est-ce même judicieux de parler de culture basque ou d’art basque, et non pas de culture et d’art ?

La culture et l’art sont deux choses très différentes. Derrière le mot “culture” on peut mettre tout et n’importe quoi, c’est une notion qui n’a pas de fond. Par contre, l’art, c’est autre chose. Ce que je pense, moi, c’est que la vie est plus belle que l’art. Après, il y a peut-être des symboles, des émotions qui font de l’art un art basque. Par exemple, nous avons monté un projet, Ekialde, qui a tourné en Aragon et en Béarn. A ce moment-là, oui, je peux dire que j’ai ressenti un fonds émotionnel basque très puissant. Après, quand on parle de “mémoire”, de quoi s’agit-il réellement ? On ne peut pas le dater, je ne sais pas s’il y a un intérêt.

Les institutions ont-elles un intérêt malgré tout pour la promotion de l’art basque ?

Elles en ont, oui, on ne pourrait pas payer les compagnies, sinon. Toutes les initiatives sont bonnes, mais il ne faut pas oublier que les institutions sont là pour se nourrir, se faire mousser. Elles ne donneront jamais carte blanche à une initiative populaire. Même si, dernièrement, je suis davantage en accord avec l’ICB, ça reste du saupoudrage. C’est pour ça que de belles initiatives doivent naître spontanément. Face aux institutions, c’est un système D qui se met en place de jour en jour et qui se donne les possibilités de créer comme il l’entend.

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