lundi 28 février 2011

Hartza et monseigneur homo sapiens sapiens

Ça fait drôle, n'est-ce pas, tout à coup, de voir ce blog transformé en zone à l'ours ? Je suis certain que ça a un côté monomaniaque pour certains n'est-ce pas ? Tant de luttes à mener, tant d'enfants qui crèvent de faim, me dira-t-on ! Et moi, je me préoccupe de l'ours ! J'en vois quelques-uns que ça agace ! Il y a pire pourtant ! Regardez donc le monde des blogs ? Il n'y en a pas beaucoup qui se préoccupent spécifiquement des enfants qui crèvent de faim si je ne m'abuse ! Enfin bon !

A cet instant je pense à un truc. Depuis des milliers d'années, un animal appelé ours brun vaque (vaquait) en toute liberté dans nos campagnes. Sa liberté même est pour nous un affront. La liberté de l'ours est une liberté vraiment révolutionnaire et contestataire. Par sa seule présence il est un symbole de la nature libre et sauvage qui défie l'homme de manière pacifique. Un symbole, un peu comme certaines tribus d'Amazonie qui vivent encore - jusqu'à quand ? - à l'extérieur du monde moderne, ce monde unidimensionnel, uniculturel que l'on a construit spécialement pour notre égocentrisme surdimensionné d'humain avec un " h " minuscule. En défendant Hartza, je me sens réellement contestataire, révolutionnaire et résistant. Hartza est un combattant anti-capitaliste, j'en suis certain. Il milite au quotidien, silencieusement, par sa seule présence contre la consommation à outrance, l'homogénéisation, le productivisme, la pensée unique.

L'ours est un symbole de toute cette nature sauvage, humaine, animale, végétale qui recule tous les jours un peu plus pour faire place à l'humain avec un petit " h " minuscule. Cette nature sauvage que l'on s'est évertué à faire disparaître mais qui aujourd'hui résiste par sa beauté, son altérité et dont on jaloux peut-être en secret et dans les tréfonds de notre inconscient par l'esprit de liberté qui l'anime. Nous qui avons été colonisés, socialisés et apprivoisés comme des animaux de compagnie jusqu’au fond de nos cellules pour être des soldats bien obéissants, on s’agace de voir un être divaguer en paix et en toute liberté.

En me mettant du côté du batracien, de l'arbre, du gypaète, de l'ours, je me sens vraiment contestataire, révolutionnaire et résistant.

Devant nos ordinateurs dernier cris, devant nos splendeurs échevelées de modernisme, devant nos routes superbes d'asphalte et de bagnoles, devant nos musées, nos fusées, nos zoos, nos certitudes, devant nos fleurs entourées de jolis petits cailloux badigeonnés au round’up Monsanto, nos pavillons sans papillons, on aurait l'air malins, on aurait l'air mignons. Devant nos moutons dociles, nos porcs prêts à tomber dans nos assiettes, nos vaches bien obéissantes tant qu'elles vont tranquillement à l'abattoir, on serait mignons, on serait malins, si l'ours, disparaissait dans nos Pyrénées!

Cette logique-là - incapable de voir les limites du supportable, incapable de pleurer, incapable de nous repentir de ces décennies de destructions qui ont vu la nature libre et sauvage reculer - est en train de se retourner contre nous. Et c'est peut-être, hic et nunc, le moment de réagir et de se dire que rien n'est perdu et qu'il y a encore une place dans nos coeurs pour la liberté, toute la liberté sans exclusive.

Je voudrais dire un mot à mes ami(e)s abertzale en particulier. Ne vous leurrez pas. Les basques, les bretons, les corses comme tant d'autres peuples dans le monde, tant d'autres cultures comme tant d'autres natures, tant d'autres minorités ont fait les frais de cette même mécanique néfaste et sordide qui broie tout et qui n'a qu'un seul objectif : réduire la diversité à l'unicité, faire de la planète un monde à la mesure de l'homme, c'est-à-dire à la démesure de son orgueil gigantesque qui le laisse penser qu'il serait le propriétaire exclusif de la terre et pourquoi pas de l'univers. Ils n'ont pas été gênés ceux qui ont planté un drapeau américain sur la lune ! La lune et la terre n'appartiennent pas aux hommes surtout pas aux américains ! Et Euskal Herri appartient aux basques, aux ours et aux humains de demain, à nos enfants qui dans 2000 ans j'espère, occuperont pleinement et joliment cette terre et parleront ici en euskara au milieu des renards, des ours, des loups, des lynx. Cher(e)s ami(e)s basques, pour moi, la lutte des ours, des petits paysans, la lutte pour l'euskara, celle des corses et des occitans, la lutte du républicain espagnol qui a fuit l'Espagne en 39, le cri de la mère que l'on sépare de son enfant, celui de l'ouvrier qui lutte pour faire respecter ses droits, le paysan qui lutte pour vivre de sa terre ; tout cela, c'est la même lutte pour la vie, la liberté, la dignité. La lutte pour la vie, la liberté et la dignité n'est pas l'apanage de monseigneur homo sapiens sapiens et même un arbre a dans sa sève autant d'amour de la vie, de la liberté et de la dignité que monseigneur Sébastien Uthurriague, ou monseigneur Jean Lassalle.

Chers ami(e)s abertzale, je serais déçu si vous réduisiez votre combat de cette manière et que vous n’alliez pas au bout du combat qui est le votre, qui est le mien.

Ce blog est consacré à l'ours pour une durée indéterminée car la liberté est une et l'ours comme le gypaète, l'Adonis d'été ou le renard sont mes frères et mes soeurs et que face à la haine de cette nature libre et sauvage qui trouve son lit chez certains éleveurs de Larrau et de Saint Engrâce, chez un certain Jean Lassalle, fossoyeur de la vallée d'Aspe, chez un certain Lacube d'où incube la haine et l'horreur de la liberté, face à M. Sébastien Uthurriague maire de Larrau et les membres de l'ADEB, Madame maddé Maylin triste passionaria anti-ours, je veux montrer ma différence. Car là, à ce moment précis, je me sens plus proche d'un chêne, d'une grenouille, d’une branche d’arbre, d’une épine de rosier et de mon frère Hartza que de ces hommes qui se prennent pour le centre de l'univers et des dieux incarnés.

Je suis Hartza aujourd'hui et demain.

Il est temps d'aller au bout de notre révolution copernicienne. L'homme qui a cru être au centre de l'univers se croit encore au centre de la terre. Allez un petit effort monseigneur homo sapiens sapiens, il est encore de temps de descendre du trône en toc sur lequel tu prends tes aises depuis bien trop longtemps.

Hartza laisse moi t'écrire avec un H majuscule. Quant à toi, cher frère (soeur) humain(e), je te laisse avec ce que tu mérites, un petit « h » à peine perceptible. Humain, quelle belle idée, quel bel objectif ! Qu'il sera beau le jour de l'Humain, lorsque nous aurons digéré l'esclavage, les bombes, les génocides, les ethnocides, les écocides, les répressions, les tortures, les évangélisations, les viols, les guerres, les invasions… Qu'il sera beau l'âge du grand H… quand nos étrons auront été digérés par toutes les petites bêtes du monde.

Maintenant, je vais vous dire, je n'écrirai plus rien à ce sujet car j'ai l'impression de me répéter et de dire toujours les mêmes choses depuis pas mal de temps.

8 commentaires:

Etienne H. BOYER a dit…

Très beau texte.

Je vais aller dans ton sens et rajouter une petite couche sur nos amis Abertzale qui, pour des raisons qui ne regardent qu'eux et contre toute logique idéologique, ont décidé de frayer avec les anti-ours primaires aux cantonales :

Ce n'est pas parce qu'on défend l'ours des Pyrénées qu'on ne s'indigne pas de la faim dans le monde, de la mise au ban totalement injustifiée d'Aurore Martin, du comportement de Kadhafi (et de celui des américains, dans un autre registre). Tout cela participe de la même lutte, car la source de tous ces maux est la même : c'est cette propension qu'à le plus humble des hommes à être inexorablement attiré par le pouvoir...

Être le meilleur, le plus fort, le plus beau, le plus riche, le plus sexy, le plus cruel, le plus dévastateur...
Être "LE PLUS" que tout le reste pour épater la galerie, imposer durablement sa marque sur la planète, ou juste se sentir vivre!

C'est cela, la nature humaine, la seule Nature qui vaille d'être combattue!

pelotari a dit…

laurent tu as écrit "à nos enfants qui dans 2000 ans j'espère, occuperont pleinement et joliment cette terre et parleront ici en euskara au milieu des renards, des ours, des loups, des lynx. "
TU EST FOU IL VONT SE FAIRE BOUFFER.
Ce sont des prédateurs et pas des nounours. Tu aurais pu rajouter pédophiles , délinquants sexuels que sa m aurait pas choqué.
relis toi un peu

Lurbeltz a dit…

Oui j'ai écrit cela en pensant à nos amis Abertzale. Je pense que leur réflexion n'est pas complète et que beaucoup de basques ont oublié qui ils étaient, quelles étaient leurs croyances. Et notamment ils sont en train de rayer l'ours de la liste du patrimoine culturel et naturel à sauvegarder ici au Pays-Basque. Alors que l'ours a toujours été sur cette liste.
Dans cette liste, il y a la mascarade, l'euskara, le pic d'Orhy, la chappelle de l'hôpital saint blaise, le Desman, les artistes qui ont écrit, chanté, dansé le Pays-Basque etc... et puis il y a l'ours et le loup et le lynx, si un jour ils reviennent par ici.

jenofa a dit…

Quand tu vois la violence des réactions et l'omerta au sujet des écobuages, t'as déjà le film sur l'Ours.

Carbonnaux a dit…

Oui, ton texte est très beau, et tu fais bien, alors, de te répéter.

Le lien que tu démontres entre la défense des animaux sauvages, celle des langues, dont l'euskara, et celle de la dignité des individus, est essentiel. Voilà un axe de combat qui devrait réunir de nombreuses personnes avec nous.

Encore bravo d'avoir ouvert cette "Zone à ours", espace de liberté.

Stéphan Carbonnaux
www.artzamendi.fr

Anonyme a dit…

Joli texte et joli blog!
Mais une question me vient: qui a tué les ours?
Des chasseurs venus de loin, des kenyans, des américains, des bordelais? Ou bien des béarnais et des basques?

Lucie

Lurbeltz a dit…

Il est clair que si des étrangers avaient tué nos ours, on se serait réveillé depuis longtemps et on leur aurait fait la morale. Du genre "Mais enfin, c'est nous qui tuons nos ours pas vous"... Mais maintenant, c'est l'inverse qui se passe ... Maintenant qu'on a tué tous nos ours à nous, on râle parce qu'on nous met des ours "slovènes"... Si le ridicule tuait il y aurait un paquet de morts dans nos montagnes

Ugatza a dit…

Agur deneri
Je découvre ce texte fortuitement.
J'en partage avec l'auteur l'essentiel.

Peut-être que les abertzale ont fait alliance avec les anti-ours parce qu'il y a des convergences avec eux.

Les anti-ours tiennent un discours violemment anti état français, (mais pas pour les mêmes raisons), contre Paris et se réclament d'une identité pyrénéenne légitime face à un état dont la politique serait quasiment de type colonial.
Il y aurait un complot des technocrates pour faire place à la faune sauvage au détriment de l'élevage qui serait constitutif de l'identité basque.

Or, s'il y a une politique environnementale européenne qui tente de faire croire qu'on protège des espèces, il y a aussi une politique agricole qui subventionne l'élevage à tel point que sans elle, l'élevage n'existerait plus.
C'est le marché de la viande qui menace l'élevage et qui pousse l'état à soutenir l'élevage.
Un repli à l'intérieur des frontières (question aux abertzaleak: lesquielles?) , c'est à dire au protectionnisme, conduirait le consommateur à payer plus cher la viande de mouton. Or, s'il choisit le mouton néo-zélandais ou irlandais c'est parce qu'il est moins cher.
A cause de son salaire, bien sûr. Le montant de son salaire est fixé par qui?
La solition du repli et du protectionnisme, des barrières douanières ne résoud pas la question du pouvoir d'achat, c'est à dire des salaires.
Pire: elle est inspirée de l'idée d'une communauté nationale ( de quelle nation?) d'intérêts.
Voilà pourquoi je pense que cette alliance est coupable, même d'un point de vue abertzale "canal historique".
Les anti-ours représentent le passé et sont loin d'être acquis aux droits du Peuple Basque.
Pour le reste du texte, je ne pense pas que l'Ours ou le Gypaète soient des symboles.
Ce sont des espèces à défendre comme toutes les autres.
Face au mouton, notamment.