mardi 8 juin 2010

Les apéros fesses de bouc

Un texte pour l'émission Bloga-bloga. Dernière émission de l'année.
Vous avez entendu parler des apéros géants Fesses de bouc qui pullulent en ce moment à travers la France ? Il y a quelques temps, je racontais sur mon blog comment j'avais ouvert un compte. Je l’ai éliminé dés le lendemain, effrayé par le bandeau de pub incontrôlable sur la page de garde, par le fait que je commençais à avoir des amis que je ne connaissais pas, ce qui m'est apparu comme quelque chose de totalement absurde, effrayé également par le temps que ça allait me prendre, effrayé enfin par cette fausse odeur d’excrément filtrant des fesses de ce bouc aux poils de pixels mal brossés.
Mais quid des apéros géants Fesses de bouc ? Quelle est la singularité de cette "manifestation" ? Des utilisateurs Fesses de bouc se donnent rendez-vous à un endroit précis, pour boire un coup. Ils s'ébahissent de constater qu'on peut se retrouver à un endroit pour trinquer, qu'il y ait des milliers d'individus et que personne ne soit responsable de ce qu’il se passe. En même temps, ce n’est pas très grave parce que justement la caractéristique principale est qu’il ne s’y passe rien. Quel exploit ! Les apéros Fesses de bouc, presque aussi nul que les fêtes de Bayonne. Le vide absolu. Manque plus que la corrida pour pencher du vide, vers l'abrutissement. Le vide en principe c'est plutôt neutre. On attend, tel un funambule, qu’il se casse la gueule du côté obscur de la force ou vers la plus pure intelligence. Mais il faut du talent pour tomber comme un chat ou comme un funambule. A Bayonne tous les chats sont gris et les funambules s’enfilent, se retournent à Pôle Emploi…. Euh ! pardon ! Je voulais dire les funambules, sans fil, se retrouvent à Pôle Emploi !
Pour vous démontrer l’inanité de ces rassemblements voilà un type qui parle à un autre dans un apéro géant fesses de bouc, "Hé t'as vu, tout ce monde sur la place, c'est génial non ? On sait pas par qui c’est organisé, c'est génial, on a rien à se dire c'est génial hein ? C’est pas Jean-Pierre Mirande là-bas ? Té pour fêter ça on boit un coup, c’est génial ". J’appelle ça un imbécile heureux ! Un peu comme la première personne qui a parlé au téléphone à fin du 19 ème siècle. Ça donnait à peu prés ça : « Allo ? Tu m’entends ? Je t’entends ! C’est formidable ! Parle voyons, dis n’importe quoi ? Comment ? Jean-Pierre Mirande ? Oui ça c’est vraiment n’importe quoi, mais c’est génial ! On dirait que t’es à côté, tu vas bien ! Bon je te rappelle quand j’ai rien à te dire ».
Aujourd’hui, c’est le portable qui prend ce rôle là : « Allo, tu es où ? Ici à côté, Ah ! Je te vois, attends, oui attends… Euh ! il y a un type qui me gêne, Jean-Pierre Mirande ! Oups pardon, excusez-moi, allo »…. On a rien à se dire mais on est content.
Quelqu'un me disait, toi t'es chiant, tu veux mettre du sens partout. Mais si nous on ne met pas du sens dans les choses, c’est les choses aux bottes de la puissance économique, des forces technologiques qui nous colleront leur sens unique ou leur unique sens.
Qu'est-ce qui fait qu'une oeuvre d'art est une oeuvre d'art ? La volonté tout simplement. Marcel Duchamps en exposant un urinoir en 1917 illustre bien cette idée. Duchamps nous invite en quelques sortes à regarder la réalité différemment. Un peu comme le professeur dans le Cercle des poètes disparus, M. Keating qui demande à ses élèves de monter sur la table pour regarder le monde sous un autre angle. Hier, je regardais un tas de bois je l'ai trouvé magnifique. Il ne s'agissait pourtant que de vieilles branches mortes tombées des arbres et que j'ai mises en tas. Superbe ! Tout d'un coup je me suis dit que je pourrais transporter ça tel quel, à une prochaine exposition de "Regard sur l'art en Soule" ; ça le ferait grave, sur le parquet flottant et vernis de l’expo.
Un enfant va vous coller quelques machins, pour vous, c'est un tas de déchets. Pour l'enfant, ça a du sens, parce qu’il est un être entier, parce qu'il sera capable de vous expliquer ce qu'il vient de faire, ou tout simplement parce que ça vient directement de l’échange qu’il a avec ce qui l’entoure.
En fait, ce que je veux dire, c'est qu'il faudrait presque rien pour faire de ces apéros géants débiles quelque chose d'humoristique, d'artistique, de phénoménal. Seulement, faut pas demander aux adolescents (je l’ai été je sais de quoi je parle) d'inventer le fil à couper la mayonnaise. Un adolescent, ce n'est plus un enfant, et pas encore un adulte. Il est en quête de sens. Mais nous on va quand même pas s'extasier sur une connerie d'adolescent ???
A l'heure où la démocratie est en panne, où l'art populaire n'a plus de sens, ou la religion est dévoyée et souillée de son premier objectif qui est de relier, où les syndicats et les partis politiques sont gérés par des élites désertés par la population, pour moi, les apéros géants Fesses de bouc montre une humanité fière d'elle même, de sa technologie, et du vide qui l’habite. C'est narcisse se regardant dans le miroir de l'eau tout en se tapant un coup de marteau sur la tête.
Mais je me prends à rêver... Et je répète, il ne suffirait de presque rien… il ne suffirait de presque rien… peut-être 10 années de moins, pour que je te dise je t'aime. Que je te prenne par la main Pour t'amener à Saint-Germain T'offrir un autre café crème... Je m'égare ! il ne suffirait de presque rien, un coup de Trafalgar qu’on ne peut pas espérer du cerveau asphyxié d’un ado resté trop longtemps lové dans le trou du cul de ce bouc qui n’a rien d’un vrai bouc de chair et d’os et qui puerait d’une vraie odeur de vraie merde. Je rêve mais au fond, je ne crois pas que la technologie nous apportera ce supplément d’âme, ce bénéfice de folie qui pourrait transformer un regroupement aléatoire sans queue ni tête en une intervention artistique, ou même un gros point d’interrogation assumé qui serait plus plein de sens que ces apéros fesses de bouc.
Je lancerai bien un appel sur Fesses de bouc ... On se retrouve au château fort de Mauléon la nuit du 25 au 26 juillet à 3 h du mat, nuit de pleine lune. Tout le monde regarderait le ciel, sans s'arrêter de marcher dans tous les sens. Ça ferait un peu bizarre, comme les fourmis d'une fourmilière prises de panique. Ceux qui le veulent pourront faire des échanges de phéromones. Et en marchant, on parlerait du ciel, ce qu'il nous vient par la tête, ce que nous inspire le firmament dans le dénuement de cette nuit vibrante de la lumière opalescente du merveilleux disque lunaire. Et après on boira un coup. Ça aurait de la gueule non ?

8 commentaires:

jenofa a dit…

Quand-même, tout ce que tu dis là n'est pas gentil pour les boucs qui sont des animaux charmants.

Lurbeltz a dit…

Oui bon... En même temps, les fesses d'un bouc, j'y mettrai pas mon nez non plus !

Cyclotor a dit…

Ben moi qui aime bien les rencontres et la gnole, j'ai rien contre... C'est cool de voir du monde simplement pour s'asseoir et discuter de tout de rien !

Bon, le problème, c'est que je me sert pas de Facebook. Avoir 685 amis virtuels et pas un prêt à te filer un coup de main quand t'en as besoin ça sert à rien... Quant à ceux qui te "marquent" sur des photos que t'avais pas forcément envie de voir publiées, ils craignent carrément.

Ma frangine et quelques autres contacts y étalent tellement leurs vies que j'ai l'impression de faire du voyeurisme. Tiens, à 16h15 un jeudi, je me connecte et je vois une photo d'un de mes jeunes élèves qui roule une pelle : il avait emballé à 16h10 !

Enfin bref, j'avais beaucoup apprécié de suivre le périple de mon pote Battite aux USA, un vrai roman photo... J'aime bien les conneries que m'envoie mon autre pote Cédric, qui est en Norvège. Pour le reste, 683 contacts inutiles et envahissants, voilà ce que j'en pense.

Bref, comme toi je suis pas très fesses bouc. Un outil qui pourrait-être intéressant si les gens ordinaires ne se pensaient pas tous extraordinaires ! Par contre je suis Ok pour la soirée au Chateau fort... C'est ça qui est bien dans le principe des apéros facebook, qu'un réseau social virtuel tende la main vers le réel...

Etienne H. BOYER a dit…

Mais les gens ordinaires sont TOUS extraordinaires (quelque part), Cyclotor! C'est ça qui est intéressant!

Facebook, c'est un vrai nid à merde (pour ceux qui ne souhaitent pas avoir une identité numérique), mais c'est aussi un espace à prendre (pour mieux maîtriser ton image, créer du réseau). Je vois les deux revers de la médaille...

Les "amis" facebook, c'est juste un expression à prendre au sens large du terme, pas au sens littéral. J'aurais préféré mes "contacts" facebook, ou mes "relations"...
Sur mon compte, j'ai accepté des gens qui ne sont pas à proprement parler "mes amis", mais j'en ai aussi viré d'autres dont je pensais pourtant qu'ils en étaient...

pelotari a dit…

moi j avance la date au 12 juin pour les fetes de la haute ville ok?

Lurbeltz a dit…

Ben je d'accord avec Cyclotor...
Après, c'est toujours pareil... Il y a beaucoup de subjectivité là-dedans. On pourrait placer les blogs sous les feux de la même critique. Personnellement, je me sens extraordinaire, mais pas plus que mon voisin, mon chat, une libellule. Je me sens extraordinaire, parce que chaque vie est unique, parce chaque vie a un sens et à une histoire à raconter. Non ? Après, je ne crois pas mettre en avant ma vie privée, mes problèmes d'érection, ma nouvelle coiffure, et je ne filme jamais mes ébats sexuels, sauf une fois par an pour envoyer ça à une de mes maitresses.Ça entretien la jalousie. Sauf que des fois ça tombe sur un fameux problème d'érection et là j'envoie rien évidemment.

Etienne H. BOYER a dit…

ENORME!!!
Lurbeltz n'hésite jamais à se mouiller personnellement ;-)

Lurbeltz a dit…

Bon je ne sais pas ce que peut faire les blogs, les fesses de bouc et les apéros contre le WIMAX... En tous les cas, c'est officiel, voir ici le programme d'action pour la fin du mois de juin :
http://intercollectif64.blogspot.com/
Comme au bon vieux du gazoduc, cela m'a valu d'avoir 2 fois la visite des gendarmes chez moi.