mercredi 17 juin 2009

Une galéjade pour la route

Quelle catastrophe !
Tout avait super bien commencé. Trois jours auparavant, je venais d'être élu secrétaire général adjoint au conseil départemental des Verts du Pays-Basque, à l'unanimité et sous les applaudissements de ma mère et de ma femme quand je leur ai annoncé la nouvelle. Elles m'ont confié qu'elles savaient depuis longtemps que je serai un jour un grand président de la République. « Patience… « Noël en ballon, Pâques en avion » ai-je répondu... Mais là, honnêtement, je crois que je me suis trompé de proverbe. Passons ! J'aurais préféré le poste de secrétaire général, tout court, mais ce brigand de Daniel Hegoburu s'est présenté avant moi. Il m'a coiffé sur la moto, en quelques sortes, et autour de la table personne n'a cillé, comme si c'était normal que ce lugubre personnage, soit élu secrétaire général. Pourquoi n’ai-je pas présenté ma candidature à ce poste ? Parce que je m’attendais un plébiscite intégral et absolu… quelle question ! J’étais vexé, que diable et cela m’a inhibé instantanément, comme quelqu’un à qui l’on eut subrepticement laissé tomber un glaçon dans l’encolure et que celui-ci eut glissé le long de la colonne vertébrale, brrrr !
Nous sommes entre nous, je vais donc faire une confidence (je vous fais confiance pour garder tout cela dans votre for intérieur). Ceux de la motion B sont des traîtres et ceux de ma motion, la motion A, sont des pleutres pour avoir laissé passer une ignominie pareille. Ça va être dur de bosser dans ces conditions, avec cette équipe de bras glacés, mais «quand fou à lier, fou à lier», comme je l’ai dit à ma mère et à ma femme qui étaient mortes de rire mais j’ai pas compris pourquoi.
J’aurais préféré le poste de Président, mais chez les Verts qui détestent les chefs (c’est bien ma veine) il n'y a pas de Président. Je trouvais que ça m'allait comme un gang, Président. Je ne vais quand même pas aller au FN pour être président ? Devant le miroir de la salle de bain, cela fait des années que je répondais à la presse à des questions nationales et internationales du genre : "Monsieur le Président, que pensez-vous de la dernière réforme des universités", « Monsieur le Président, où comptez-vous passer vos prochaines vacances ? », « Mr le Président, à quand remonte l’ablation de votre dernière dent de sagesse ? ». Pour la dernière question, j’étais certain de pouvoir répondre instantanément et sans l’angle du bois.
A la sortie de cette assemblée générale, je goûtais mon triomphe et je décidais que Fantxoa Hastaran serait dorénavant mon chauffeur. Pas besoin de décréter quoi que ce soit, il avait le profil bas et avait compris que je ne transigerai pas. Un œil superbe jeté sur le volant suffit à ce moment-là à me faire comprendre. Mon autorité naturelle et mon charisme produisaient déjà leurs petits effets. Tandis que je m'engouffrais dans la limousine noire aux vitres teintées(1), je laissais vagabonder mon esprit de militant à-qui-on-ne-la-fait-pas, me recoiffais un tantinet avec les doigts, le regard argenté, inspiré comme un acteur de cinéma. Je pensais avec un grain de délice à ma vie d'avant et à toutes les responsabilités à venir, aux gens qui allaient m’écouter avec révérence, qui me demanderaient dorénavant mon avis sur tout et n’importe quoi. J’ai une citation pas mal… Je l’ai sur un papier. Attendez, où j’ai mis mon papier ? Ah ! Voilà ! « Vivre misérablement vaut mieux que mourir avec gloire » disait Euripide, le frère de Lipide et de Glucide (quelle famille tout de même). Et bien moi, je décidais en cet instant de vivre en beauté et de mourir avec gloire. La totale ! Victor Hugo, jeune, écrivit sur un cahier… Où est mon papier ? Ah ! Ici ! Victor Hugo disait donc : "je veux être Châteaubriand ou rien ". Il est devenu Victor Hugo oui ou merde ? Il m’appartient donc de devenir moi-même, ce qui n’est pas rien, « un de perclus, dix d’alités» dis-je alors à ma mère et à ma femme, tout en ayant encore un doute sur l’adéquatement de mon proverbe, mais bon, repassons.
Autant vous dire que j’étais gonflé à bloc, et quand Gilles Choury de la radio Mendililia me demanda de venir présenter la liste Europe Ecologie pour les élections européennes qui auront lieu le 6 et le 7 juin, je lui répondis de manière très claire et limpide « oui, faut voir, en effet, tiens, bon, euh ! Je vais en parler avec mon calendrier, et jeter un œil sur ma femme, attends, bon, Ah, bien ! »
Le jour venu, j'aurais dû attendre que la biche fut velue et rester au coin du feu. Déjà, je n'ai pas aimé qu'il me tutoie et qu’il écorche mon titre. Je me demande d’ailleurs si ce n’est pas ça qui m’a fait perdre tous mes moyens. « Secrétaire adjoint des Verts du pays-Basque... » Et puis quoi encore ! Non : « Secrétaire Général Adjoint en Chef(2) du Conseil Départemental des Verts du Pays-Basque », s'il vous plait, merci !
J'avais pourtant relu le programme, surligné au feutre fluo, collé des postites, pris des notes, corné des pages, concentré mes neurones, réalisé un Ketch-up complet de mon état général, répété dans la voiture des phrases emphatiques pleines de prouesses et d’arabesques stylistiques. Et le moment venu, me voilà incapable de répondre à des questions d’une simplicité que même Daniel Hegoburu aurait pu y répondre. Une catastrophe ! Et vas-y que je te tousse, et vas-y que je te mets des « quoi » en guise de point, et vas-y que je te cherche les mots, les idées, et vas-y que je m’emberlificote dans le maillage de mon désordre cérébral. Une ca-tas-trophe ! A moi seul, je crois avoir fait perdre au moins 400 voix à José Bové et Ménane Oxandabaratz qui ne méritaient pas ça.
J’avais une telle honte que je me serais enterré vivant dans un trou du côté des Arbailles, pourvu qu’on ne me vît plus jusqu’à la prochaine guerre mondiale où je pourrais éventuellement me sacrifier dans un bataillon de chair à canon, qu’on en finisse et que je paye mon incompétence et mon inconséquence.« Qui dort Caudine », en quelques sortes, confis-je (de canard) à ma mère et ma femme qui corrigèrent mon proverbe ce qui finit de m’humilier et de me mettre de mauvaise humeur.
Aujourd’hui, je continue de me poser des questions… Qu’est-ce qui me pousse à faire de la politique alors que je n’ai aucune qualité requise pour cet exercice ? qu’est-ce qui me pousse à me présenter à des élections ? Qu’est-ce qui me pousse à monter au traîneau, pourquoi monter au balcon pour me faire abattre, pourquoi tendre le grain à moudre à ma joue gauche ? Pourquoi ?
Secrétaire ? Tu parles ! Ce crétin oui !


(1) Laissez moi rêver et de toutes façons, je ne me rappelle jamais des marques de voiture et si ça ce trouve c’était bien une limousine noire.
(2) J’ai rajouté « en chef »,,ce sera ma première proposition en réunion du bureau. Ça fait pas un peu trop « kommendantur », j’espère ?

9 commentaires:

Kolova a dit…

ce qui te pousse c'est que tu n'es pas une vache destinée à regarder passer les trains (y'en a presque plus d'ailleurs, ou ils vont trop vite pour ruminer en paix) donc, comme tu es un être conscient, tu es obligé de réagir... et où sont les leviers ? du côté des politiques... CQFD

Quand on t'interview, quoi, tu connais le truc tout de même:
1/ tu te représentes le monsieur (ou la dame) qui te tends le micro là où le roi n'allait pas seul et si possible avec un drôle de caleçon à fleurs sur les chevilles
2/ tu respires à fond 3 fois
3/ tu t'adresses à la Terre notre mère que tu consoles des blessures infligées par ses autres enfants en lui disant tout ce que toi et tes petits copains écolos veulent faire pour lui panser ses plaies. Tu verras, après quelques cafouillages, ça vient tout seul, surtout quand tu oublies toutes ces conneries comme "président", "chef"... être soi-même, voilà le secret !

Etienne H. BOYER a dit…

Encore un brûlot qui va finir dans la séquelle de tes "Pensements..."!
Tu sais qu'à force de me faire rire, tu vas finir par me déclencher une crise d'asthme?

Lurbeltz a dit…

Merci pour ces conseils Kolova. J'essaierai d'en tenir compte.
Etienne, tu as vu que j'ai fait quelques modifs supplémentaires ?

Etienne H. BOYER a dit…

Oui, j'avais relu, au cas où ;-)
T'es trop fou, toi!

Etienne H. BOYER a dit…

Tu vas te faire taper sur le kiki...

jenofa a dit…

Comme disait mon papa "Bande de cons, c'est moi le chef!"

Lurbeltz a dit…

Mais non, Etienne, c'est de l'humour. Le décalage permet beaucoup de choses puisqu'on mélange le vrai et le faux, on invente, on mélange. Ce n'est pas la réalité quoi ! Tu pensais pas quand même que je me trouvais crétin ?

Etienne H. BOYER a dit…

ça non...
C'est de l'autodérision, ou une forme d'exorcisme de l'égo. Je le sais, pour le pratiquer aussi (assez souvent).
Mais tu sais, je rigole au sujet du tapage sur le kiki...
Ceci dit, il me tarde l'AG d'octobre, quand même, pour voir!
;-)

jenofa a dit…

Secrétin, comme pongiste, ça le fait!