mercredi 26 septembre 2012

Pensements 2 : Introduction

je vous invite à lire l'introduction que j'ai écrite pour mon livre "Pensements 2" qui va sortir le 1er décembre. Histoire de vous mettre un peu l'eau à la bouche. A noter que vous pouvez souscrire à ce livre en téléchargeant la souscription ? Souscrire d'ores et déjà, c'est acheter le livre à un tarif en dessous du prix public officiel (à partir du 1er décembre). C'est aussi nous aider à financer ce projet d'édition. De cette manière, vous contribuez vous aussi à l'auto-financement et l'indépendance de notre association, puisque mes droits d'auteur iront directement dans les caisses de l'association Astobelarra / Le Grand Chardon. Les bénéfices récoltés serviront à financer d'autres projets. En vous remerciant par avance pour votre confiance et votre soutien.
                                                                                 Lurbeltz alias Laurent Caudine
Introduction

Depuis quelques semaines, je tergiverse. Est-ce que je publie la suite de mes chroniques oui ou non ? Est-ce que cela en vaut la peine ? Il y a quelques minutes, j’ai décidé que oui.
À ces chroniques, il y a un début et une fin. Je le sais, parce que je sens bien que le désir d’écrire a bifurqué vers d’autres zones d’écriture, depuis quelques temps.
Le début, c’est en 2001. A cette date, je commence à écrire quelques textes. En 2007, avec une amie, je décide de les publier sous le titre de Pensements : Chroniques et nouvelles de Soule et d’ailleurs, et ainsi commence l’aventure des éditions Astobelarra / Le Grand Chardon.  Grâce aux bénéfices que les ventes du livre ont générés, grâce à l’Office Public de la Langue Basque et grâce à tous les généreux souscripteurs, nous avons pu financer la Lettre à l’éléphant – elefanteari gutuna de Romain Gary. Quel beau texte que celui-ci et comme nous étions fiers du résultat ! Ensuite Etienne est arrivé, puis Gilda, puis André et les 40 auteur(e)s du livre Paroles d’écolos. Ainsi l’aventure des éditions Astobelarra / Le Grand Chardon a pu continuer jusqu’à aujourd’hui, avec une dizaine de livres à notre actif. Et parfois des livres impubliables, car nous avons en même temps défié les lois du marché, sabordant les principes d’une certaine logique économique qui ne voudrait pas voir certains livres publiés, sous prétexte que le lectorat n’existerait pas, que ça ne se vendrait pas. C’est vrai, parfois, ça ne se vend pas. Nous continuerons pourtant d’explorer les zones inconnues et méprisées par une économie avide de destruction, de profit, d’inculture et d’uniformité. Nous continuerons de faire vibrer l’étincelle de l’artiste qui sommeille en nous, et le grain de folie qui nous habite.
La fin de l’écriture de ces chroniques ne se situe pas vraiment en 2007, puisque j’ai continué à écrire jusqu’à aujourd’hui. Je pense qu’avec ce second volume des Pensements, je clôture la rédaction de ces libres propos. Comme je l’ai dit plus haut, entre-temps, j’ai eu envie d’explorer de nouveaux espaces. Pensements fut une écritoire, un exutoire, un laboratoire des idées et des mots, un atelier où j’ai fait des essais, des mélanges de couleurs. Et très vite, j’ai eu à cœur de peindre une grande fresque et je me suis attelé à l’écriture d’un roman qui se nomme Matin vert.
Pourquoi publier la suite de mes chroniques ?  Pourquoi ces chroniques ? Vous avez un moment ? Alors laissez-moi essayer de vous expliquer.
Je ne sais pas vous, mais moi, j’ai l’impudence de penser que la vie des autres est intéressante. Le sentiment que les gens peuvent avoir face à eux-mêmes, face au monde qui les entoure est d’un intérêt capital. Ce que j’aime par-dessus tout se trouve dans l’insignifiance et la banalité. Chaque individu sur cette terre est une partie de la grande histoire de la vie. Chaque petite histoire, chaque petit geste, chaque petit mot de chacun d’entre nous fait et doit faire la Grande Histoire, une partie du puzzle à construire. Or, il est consternant de voir comment les livres d’histoire ne parlent du peuple que comme d’un vulgaire monticule de gravier avec des morceaux qui s’expriment ici et là, dans un désordre total. Mon idée est que, de même que le puzzle est en construction, de même que nous sommes incapables de savoir ce qu’il va représenter à la fin, le peuple sera vraiment le peuple le jour où chacune de ses individualités n’aura plus aucun secret, les unes pour les autres. C’est beaucoup plus difficile qu’un puzzle normal parce que là, aucun modèle n’est à notre disposition pour nous aider à placer les pièces.
J’aurais tellement aimé lire les chroniques et Pensées de mes arrières grands-parents. Que sais-je d’eux ? Des anecdotes, une poignée de photos aux couleurs sépia dans une vieille valise ? J’aurais aimé connaître la vision qu’ils avaient d’eux-mêmes, du monde de l’époque. J’aurais aimé me balader dans les méandres de leurs pensées. C’est dans cet esprit que j’ai écrit Pensements. Non pas pour marquer l’Histoire, mais pour marquer les moments de mon histoire, pour marquer une pensée et la figer dans l’espace et le temps. Je me dis que la pensée, même la plus banale est une chose superbe, parce qu’elle est, tout simplement, comme l’air, l’eau, la terre. Je suis convaincu que la pensée a des effets tangibles, qu’elle a de la chair, une existence et une incidence sur ce qui nous entoure, même lorsqu’elle est non dite. Voilà pourquoi je me fais un devoir d’exprimer haut et fort certaines réflexions, lorsque celles-ci rejoignent le monde social, politique et institutionnel, car d’une certaine manière je pense qu’elles ne m’appartiennent pas.
Il y a quelques années, j’ai connu une très vieille dame qui s’appelait Gaby Pascualena. Elle est morte à l’âge de 101 ans à l’hôpital de Mauléon-Licharre. Elle a vécu toute sa vie dans cette commune. À 14 ans, elle travaillait déjà dans l’industrie de la chaussure. Quand j’écoutais Gaby, je voyais Mauléon comme je ne l’ai jamais connu, comme aucun historien ne le fera jamais connaître, parce que la pensée populaire est rare et qu’elle est toujours confisquée par les pouvoirs, qu’ils soient ceux de la finance, des médias, des politiques, des philosophes, des historiens. Un proverbe africain dit «  un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Je suis allé voir Gaby à la maison de retraite, avec un carnet de notes, mais le feu avait déjà commencé à faire son travail.
Comme Gaby, je suis une pensée populaire, parce que je raconte le monde à ma manière et que cette manière est unique comme chaque être vivant est unique. Je suis un simple témoin, mais un témoin qui veut récupérer sa puissance d’être, d’exister, dans une période où l’on ratisse large pour construire une société uniforme à la mesure des lois du marché. À cet instant, il me vient en tête cette phrase du poète portugais Michel Torga : « L’universel, c’est le local moins les murs ». Je suis convaincu qu’il faudrait sonder l’universel qu’il y a en chacun de nous et que de cette façon et uniquement de cette façon, nous serons capables de briser tous les murs qui nous maintiennent serrés comme des sardines dans des paradigmes étriqués. Car à ce moment-là, peut-être verrions-nous à la fois l’indigence et la lumière qui nous habitent et nous trouverions alors le courage de faire les choix difficiles. Je crois qu’il nous faudra faire des choix difficiles à l’avenir. Nous avons cru apprivoiser notre temps et notre espace, mais ils nous échappent finalement, en faisant fi de notre orgueil d’espèce supérieure. Supérieure ? Mais supérieure en quoi ?
De temps en temps, je me demande quelles sont les vraies valeurs dans cette existence. Dans Pensements volume 1, j’avais exclu de cette liste le travail obligatoire, la patrie, le mariage, la chasse, la compétition (a fortiori dans l’économie), la bagnole, la technologie, les élevages industriels. J’avais émis des doutes sur l’école. J’aurais aimé parler du voyage que l’on confond avec le nomadisme, mais je n’ai jamais trouvé le bon angle d’attaque. Il y a des valeurs qui me paraissent évidentes comme s’occuper de ses enfants, prendre le temps de vivre, de manger, de préparer à manger, de respirer, de se promener dans la nature, d’avoir des relations (notamment sexuelles), de pratiquer les arts, de s’occuper d’un potager, de mettre sa main dans la terre, d’aimer son prochain. Il y a les actions de communiquer, de confier, de transmettre. Je me dis que dans chaque famille, une personne devrait s’occuper de prendre des notes sur les faits et gestes de la génération présente pour les transmettre à la suivante. C’est dans cet esprit-là que j’ai écrit Pensements.
C’est l’indignation qui en premier lieu me pousse à écrire, mais pas seulement. C’est aussi le respect que j’ai pour la vie et pour tous ces moments qui nous sont offerts au quotidien et puis l’étonnement face au mystère qui nous trouve tous là, sur une planète bleue et verte, perdue au milieu d’un univers infini. Parfois, je regarde l’espace, les étoiles et là, je sais que le monde n’appartient définitivement à personne. Aucun dieu, aucun maître, aucun curé, aucun patron, aucune religion, aucun ministre, aucun humain, ne peut se prévaloir de ce temps et de cet espace qui nous est imparti. Le monde est libre et la liberté est à prendre comme un fruit mûr et il appartient à chaque homme et chaque femme sur cette planète et aussi bien sûr, à chaque arbre, chaque brin d’herbe de le respirer à satiété. Le mystère est intact depuis le début des temps et reste accroché devant nos yeux, immuable. Le monde est libre et doit se défier de toutes les doctrines et de toutes les croyances et j’ai l’intention de l’occuper à ma façon le plus longtemps possible.
Alors d’une certaine manière, les Pensements ont été pour moi une manière de relire le monde, de le réinventer. Je ne serais pas complet si j’omettais le  bonheur que cela a été pour moi de pratiquer l’écriture dans ce qu’il y a de plus ludique. Jouer avec les mots, les mélanger, les ordonner à ma façon avec souvent pour unique objectif de rire du monde, de soi-même et des autres.
J’espère, chèr(e)s lec(trices)teurs, que vous prendrez autant de plaisir à les lire, que moi j’en ai eu à les écrire.

Laurent CAUDINE

Le 22 janvier 2012

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