je vous invite à lire l'introduction que j'ai écrite pour mon livre "Pensements 2" qui va sortir le 1er décembre. Histoire de vous mettre un peu l'eau à la bouche. A noter que vous pouvez souscrire à ce livre en téléchargeant la souscription ? Souscrire d'ores et déjà, c'est acheter le livre à un tarif en dessous du prix public officiel (à partir du 1er décembre). C'est aussi nous aider à financer ce projet d'édition. De cette manière, vous contribuez vous aussi à l'auto-financement et l'indépendance de notre association, puisque mes droits d'auteur iront directement dans les caisses de l'association Astobelarra / Le Grand Chardon. Les bénéfices récoltés serviront à financer d'autres projets. En vous remerciant par avance pour votre confiance et votre soutien.
Lurbeltz alias Laurent Caudine
Introduction
Depuis
quelques semaines, je tergiverse. Est-ce que je publie la suite de mes
chroniques oui ou non ? Est-ce que cela en vaut la peine ? Il y a
quelques minutes, j’ai décidé que oui.
À
ces chroniques, il y a un début et une fin. Je le sais, parce que je sens bien
que le désir d’écrire a bifurqué vers d’autres zones d’écriture, depuis
quelques temps.
Le
début, c’est en 2001. A cette date, je commence à écrire quelques textes. En
2007, avec une amie, je décide de les publier sous le titre de Pensements :
Chroniques et nouvelles de Soule et d’ailleurs, et ainsi commence l’aventure des
éditions Astobelarra / Le Grand Chardon.
Grâce aux bénéfices que les ventes du livre ont générés, grâce à l’Office
Public de la Langue Basque et grâce à tous les généreux souscripteurs, nous
avons pu financer la Lettre à l’éléphant – elefanteari gutuna de Romain Gary. Quel beau texte que
celui-ci et comme nous étions fiers du résultat ! Ensuite Etienne est
arrivé, puis Gilda, puis André et les 40 auteur(e)s du livre Paroles
d’écolos. Ainsi
l’aventure des éditions Astobelarra / Le Grand Chardon a pu continuer jusqu’à
aujourd’hui, avec une dizaine de livres à notre actif. Et parfois des livres
impubliables, car nous avons en même temps défié les lois du marché, sabordant
les principes d’une certaine logique économique qui ne voudrait pas voir
certains livres publiés, sous prétexte que le lectorat n’existerait pas, que ça
ne se vendrait pas. C’est vrai, parfois, ça ne se vend pas. Nous continuerons
pourtant d’explorer les zones inconnues et méprisées par une économie avide de
destruction, de profit, d’inculture et d’uniformité. Nous continuerons de faire
vibrer l’étincelle de l’artiste qui sommeille en nous, et le grain de folie qui
nous habite.
La
fin de l’écriture de ces chroniques ne se situe pas vraiment en 2007, puisque
j’ai continué à écrire jusqu’à aujourd’hui. Je pense qu’avec ce second volume
des Pensements, je
clôture la rédaction de ces libres propos. Comme je l’ai dit plus haut,
entre-temps, j’ai eu envie d’explorer de nouveaux espaces. Pensements fut une écritoire, un exutoire, un
laboratoire des idées et des mots, un atelier où j’ai fait des essais, des
mélanges de couleurs. Et très vite, j’ai eu à cœur de peindre une grande
fresque et je me suis attelé à l’écriture d’un roman qui se nomme Matin
vert.
Pourquoi
publier la suite de mes chroniques ?
Pourquoi ces chroniques ? Vous avez un moment ? Alors
laissez-moi essayer de vous expliquer.
Je
ne sais pas vous, mais moi, j’ai l’impudence de penser que la vie des autres
est intéressante. Le sentiment que les gens peuvent avoir face à eux-mêmes,
face au monde qui les entoure est d’un intérêt capital. Ce que j’aime
par-dessus tout se trouve dans l’insignifiance et la banalité. Chaque individu
sur cette terre est une partie de la grande histoire de la vie. Chaque petite
histoire, chaque petit geste, chaque petit mot de chacun d’entre nous fait et
doit faire la Grande Histoire, une partie du puzzle à construire. Or, il est
consternant de voir comment les livres d’histoire ne parlent du peuple que
comme d’un vulgaire monticule de gravier avec des morceaux qui s’expriment ici
et là, dans un désordre total. Mon idée est que, de même que le puzzle est en
construction, de même que nous sommes incapables de savoir ce qu’il va
représenter à la fin, le peuple sera vraiment le peuple le jour où chacune de
ses individualités n’aura plus aucun secret, les unes pour les autres. C’est
beaucoup plus difficile qu’un puzzle normal parce que là, aucun modèle n’est à
notre disposition pour nous aider à placer les pièces.
J’aurais
tellement aimé lire les chroniques et Pensées de mes arrières grands-parents.
Que sais-je d’eux ? Des anecdotes, une poignée de photos aux couleurs
sépia dans une vieille valise ? J’aurais aimé connaître la vision qu’ils
avaient d’eux-mêmes, du monde de l’époque. J’aurais aimé me balader dans les
méandres de leurs pensées. C’est dans cet esprit que j’ai écrit Pensements. Non pas pour marquer l’Histoire, mais
pour marquer les moments de mon histoire, pour marquer une pensée et la figer
dans l’espace et le temps. Je me dis que la pensée, même la plus banale est une
chose superbe, parce qu’elle est, tout simplement, comme l’air, l’eau, la
terre. Je suis convaincu que la pensée a des effets tangibles, qu’elle a de la
chair, une existence et une incidence sur ce qui nous entoure, même lorsqu’elle
est non dite. Voilà pourquoi je me fais un devoir d’exprimer haut et fort
certaines réflexions, lorsque celles-ci rejoignent le monde social, politique
et institutionnel, car d’une certaine manière je pense qu’elles ne
m’appartiennent pas.
Il
y a quelques années, j’ai connu une très vieille dame qui s’appelait Gaby
Pascualena. Elle est morte à l’âge de 101 ans à l’hôpital de Mauléon-Licharre.
Elle a vécu toute sa vie dans cette commune. À 14 ans, elle travaillait déjà
dans l’industrie de la chaussure. Quand j’écoutais Gaby, je voyais Mauléon
comme je ne l’ai jamais connu, comme aucun historien ne le fera jamais
connaître, parce que la pensée populaire est rare et qu’elle est toujours
confisquée par les pouvoirs, qu’ils soient ceux de la finance, des médias, des
politiques, des philosophes, des historiens. Un proverbe africain dit «
un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Je suis allé
voir Gaby à la maison de retraite, avec un carnet de notes, mais le feu avait
déjà commencé à faire son travail.
Comme
Gaby, je suis une pensée populaire, parce que je raconte le monde à ma manière
et que cette manière est unique comme chaque être vivant est unique. Je suis un
simple témoin, mais un témoin qui veut récupérer sa puissance d’être,
d’exister, dans une période où l’on ratisse large pour construire une société
uniforme à la mesure des lois du marché. À cet instant, il me vient en tête
cette phrase du poète portugais Michel Torga : « L’universel, c’est
le local moins les murs ». Je suis convaincu qu’il faudrait sonder
l’universel qu’il y a en chacun de nous et que de cette façon et uniquement de
cette façon, nous serons capables de briser tous les murs qui nous maintiennent
serrés comme des sardines dans des paradigmes étriqués. Car à ce moment-là,
peut-être verrions-nous à la fois l’indigence et la lumière qui nous habitent
et nous trouverions alors le courage de faire les choix difficiles. Je crois
qu’il nous faudra faire des choix difficiles à l’avenir. Nous avons cru
apprivoiser notre temps et notre espace, mais ils nous échappent finalement, en
faisant fi de notre orgueil d’espèce supérieure. Supérieure ? Mais
supérieure en quoi ?
De
temps en temps, je me demande quelles sont les vraies valeurs dans cette
existence. Dans Pensements volume
1, j’avais exclu de cette liste le travail obligatoire, la patrie, le mariage,
la chasse, la compétition (a fortiori dans l’économie), la bagnole, la technologie, les élevages
industriels. J’avais émis des doutes sur l’école. J’aurais aimé parler du
voyage que l’on confond avec le nomadisme, mais je n’ai jamais trouvé le bon
angle d’attaque. Il y a des valeurs qui me paraissent évidentes comme s’occuper
de ses enfants, prendre le temps de vivre, de manger, de préparer à manger, de
respirer, de se promener dans la nature, d’avoir des relations (notamment
sexuelles), de pratiquer les arts, de s’occuper d’un potager, de mettre sa main
dans la terre, d’aimer son prochain. Il y a les actions de communiquer, de
confier, de transmettre. Je me dis que dans chaque famille, une personne
devrait s’occuper de prendre des notes sur les faits et gestes de la génération
présente pour les transmettre à la suivante. C’est dans cet esprit-là que j’ai
écrit Pensements.
C’est
l’indignation qui en premier lieu me pousse à écrire, mais pas seulement. C’est
aussi le respect que j’ai pour la vie et pour tous ces moments qui nous sont
offerts au quotidien et puis l’étonnement face au mystère qui nous trouve tous
là, sur une planète bleue et verte, perdue au milieu d’un univers infini.
Parfois, je regarde l’espace, les étoiles et là, je sais que le monde
n’appartient définitivement à personne. Aucun dieu, aucun maître, aucun curé,
aucun patron, aucune religion, aucun ministre, aucun humain, ne peut se
prévaloir de ce temps et de cet espace qui nous est imparti. Le monde est libre
et la liberté est à prendre comme un fruit mûr et il appartient à chaque homme
et chaque femme sur cette planète et aussi bien sûr, à chaque arbre, chaque
brin d’herbe de le respirer à satiété. Le mystère est intact depuis le début
des temps et reste accroché devant nos yeux, immuable. Le monde est libre et
doit se défier de toutes les doctrines et de toutes les croyances et j’ai
l’intention de l’occuper à ma façon le plus longtemps possible.
Alors
d’une certaine manière, les Pensements ont été
pour moi une manière de relire le monde, de le réinventer. Je ne serais pas complet
si j’omettais le bonheur que cela
a été pour moi de pratiquer l’écriture dans ce qu’il y a de plus ludique. Jouer
avec les mots, les mélanger, les ordonner à ma façon avec souvent pour unique
objectif de rire du monde, de soi-même et des autres.
J’espère,
chèr(e)s lec(trices)teurs, que vous prendrez autant de plaisir à les lire, que
moi j’en ai eu à les écrire.
Laurent CAUDINE
Le 22 janvier 2012
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire