J'avais envie de répondre à Mathias Davant. Espérant en cela que le Mathias d'après, ne sera plus celui d'avant (ouarf ! mdr !) En même temps, j'ai passé cette période du je-réagis-instantanément-aux-machins-de-l'actu-je-sais-pas-trop-pourquoi-d'ailleurs. Je laisse passer les évènements. je réagirai plus tard, me dis-je... Là, je suis en voyage d'enfer. Plus tard, j'écrirai un bouquin et je prendrai les choses à froid... Ou pas. Bon en même temps, j'ai déjà écrit un truc qui répond à Mathias. le voilà ci-dessous. Il parle de la peur, cette peur que je comprends tellement bien. Moi-même, je ressens la peur pour les choses visqueuses et j'ai une peur viscérale pour les cravates même bien nouées à fortiori si celles-ci sont visqueuses. On a toutes et tous la peur, pour ci ou pour ça. Et c'est curieux comment cela résonne particulièrement avec ce que je lis actuellement... Le sub, ci-des-sub, fait un inventaire des peurs qu'on peut avoir parfois :
" Supposons qu'une des peurs les plus élaborées est la peur de ce qui est autre, de ce qui est différent, c'est-à-dire ce que nous ne connaissons pas.
j'en fais juste un inventaire rapide, en espérant pouvoir y revenir par la suite :
j'en fais juste un inventaire rapide, en espérant pouvoir y revenir par la suite :
- La peur de genre. Mais pas seulement des femmes à l'égard des hommes et vice versa, la peur aussi des femmes à l'égard des femmes et des hommes à l'égard des hommes.
- La peur des génération. Entre personnes âgées, adultes, jeunes, petits garçons et petites filles.
- La peur de ce qui est autre. A l'égard des homosexuels, lesbiennes, transsexuels et d'autres réalités qu'il ne suffit pas d'ignorer pour qu'elles cessent d'exister.
- La peur identitaire ou de race. Entre Indiens, Métis, compatriotes, étrangers.
La liberté que nous voulons devra vaincre aussi ces peurs-là."
Sources : Sous commandant Marcos, saisons de la digne rage.
Herriak bizi behar dü ! Le
pays doit vivre !
Le
15 septembre 2008
Texte paru en mai 2009 dans le journal « L’âge de faire »
N°31
pour un dossier spécial : « L’union fait la force en Pays-Basque. »
Ce texte est un témoignage qui se veut avant
tout utile. Il est celui d'un non Basque, non bascophone, non abertzale, non
nationaliste et non patriote. Il s'adresse à ceux qui lèvent un regard méfiant
sur cette idée qui devrait être une évidence : Le pays doit vivre.
J'écoutais un musicien de Massilia Sound System
qui disait ne pas être occitan, car né en Italie, mais qui se disait
occitaniste. De la même manière, je ne peux pas dire que je sois basque ou
eüskaldün (celui qui parle l'Eüskara) malheureusement pour moi et pour
Eüskal-Herri. Par contre, je me sens bascophile ou basquisant.
Il est possible de laisser un espace à ceux qui
pensent qu'il faudrait absolument parler basque, être né ici et autres options
qui seraient obligatoires pour la défense de la cause.
Il me paraît tout à fait normal que les basques
veuillent leur indépendance. On peut se poser des questions et débattre de
quelle indépendance et comment y arriver, bavarder sur la forme, jouer sur les
mots et les concepts quand on parle d'indépendance ou d'autonomie. On peut
disputer le nationalisme, la violence, discuter d’une éventuelle Eurorégion ou
d'un département basque, mais on ne peut pas dénier à un peuple le désir
profond de l'autodétermination.
Je comparerais cela avec la religion qui est
une constante de tous les peuples du monde depuis le début de la civilisation.
Trouvez-moi un peuple qui n'ait pas son explication sur le monde. De même que
je trouve inutile la lutte contre le sentiment religieux, je trouve naturel que
chaque peuple, même le plus petit, soit soucieux de l'intégrité et du respect
qui lui est dû dans son territoire. Là aussi, on peut pérorer sur les nuances
sémantiques qu'il y a entre les mots « religion », « spiritualité »,
« mysticisme », « croyance ». Ça ne change rien au fait que
l'humain est une créature religieuse mais aussi scientifique, artiste,
philosophe, politicienne, amoureuse de la culture héritée de ses ancêtres qu’il
souhaite naturellement léguer à ses enfants. Ces différents domaines sont des
outils qui doivent nous permettre de comprendre le monde et aucun n'est à
prendre à la légère.
Je ne veux pas dire que tous les sentiments
enracinés doivent être conservés dans le formol. Je dis qu'il y a des énergies
initiales qu'il convient de maîtriser ou d’aménager. Au XlXème siècle, quelques
héritiers de la tradition jacobine rêvèrent d'éradiquer la religion chrétienne.
Jean Jaurès mit fin à ce débat en déclarant : « la France n’est pas
schismatique mais révolutionnaire… », ce qui eut pour résultat la séparation de
l'église et de l'Etat, c'est-à-dire, un aménagement. Evidemment, il convient de
faire disparaître certaines énergies néfastes comme la guerre, l'exploitation
industrielle des animaux, l'exploitation de l'homme par l'homme, la corrida,
les mines anti-personnelles, la domination masculine, l'homocentrisme...
Pourquoi enlèverions-nous le sentiment
universel d'être un peuple à part entière, aux Basques, aux Bretons et aux
Corses ? Pour quelles fallacieuses
raisons ne mettrions-nous pas tout en œuvre pour que ces pays aient les moyens
de vivre ? Que de nombreux Basques ne se sentent pas Français est quelque
chose d'aussi naturel que le plancher qui craque lorsque l'on marche dessus. A
nous de choisir le naturel que nous voulons.
Ma réflexion est actuellement en court de
construction. Elle n'est pas aboutie, pas plus que pour de nombreux Basques qui
auraient le « pedigree » idoine. Ne croyez pas qu'il suffise de
parler l'Eüskara et d'être né ici pour reconnaître Eüskal-Herri. Ils sont
combien ces basques à « pedigree idoine » qui disent qu'il faut
maintenant parler l'anglais et que l'Eüskara est inutile dans notre société ?
Etre Basque est une chose ; le devenir est
autre chose. J'aimerais paraphraser Simone de Beauvoir qui disait :
« On ne naît pas femme, on le devient » et dire à mon
tour « on ne naît pas Basque, on le devient ».
Quand on vit en Eüskal-Herri, il y a beaucoup
de choses à faire individuellement pour devenir Basque et pour reconnaître ce
territoire. Mais le moindre, quand on ne se sent pas Basque, c’est d'arrêter
d'avoir peur de le devenir. Qu'est-ce qu'un basquisant, un bascophile ? Cela
peut être une personne étrangère au sujet, au pays, ne parlant pas le basque,
n'étant pas née ici. En même temps il s'agirait de quelqu'un qui aurait levé
toutes ses inhibitions face à la question basque et se serait libéré de ses
sentiments de culpabilité, de susceptibilité et/ou de paranoïa pour reconnaître
le fait que ce pays doit vivre.
Une fois cette barrière franchie, l'arbre de
Gernika - libéré de la torture du bonzaï japonais dont les bourgeons sont
soigneusement coupés chaque année - pourra pousser librement. Ce petit
territoire compressé entre ces deux nations arrogantes que sont la France et
l'Espagne pourra alors étendre ses branches naturellement dans cette Europe que
nous devons appeler de nos vœux.
Laurent CAUDINE